Mort de Robert Galley : un héros au passé douteux

Ci-dessous l’article que nous fait parvenir un lecteur, sur des événements liés à la 2e DB. Nous le passons, toujours dans un souci de recherche de la vérité, entre autre historique.

« On vient d’apprendre ce week-end la mort de Robert GALLEY, compagnon de la Libération et ancien ministre gaulliste. La presse de ces derniers jours se répand en éloges sur « ce grand homme ».

Mais elle omet de se poser une question cruciale : Robert GALLEY fut-il un criminel de guerre ? La question doit absolument être posée.

En effet, en 1997 est paru « Le chemin le plus long », un ouvrage écrit par Pierre QUILLET, ancien soldat de la 1ère compagnie du 501ème RCC de la 2ème DB du général LECLERC.
Ce livre retrace l’épopée guerrière de cette compagnie, notamment depuis son débarquement en Normandie le 31 juillet 1944 jusqu’à son arrivée à Berchtesgaden le 5 mai 1945.
Le livre est préfacé par le général BUIS, à l’époque capitaine à la tête de la 1ère compagnie du 501ème RCC. Robert GALLEY a servi dans cette compagnie comme lieutenant, à la tête de la 1ère section.
Ce que décrit l’ouvrage de Pierre QUILLET fait littéralement froid dans le dos…

Avec une absence totale de scrupule moral, et un cynisme désarmant, Pierre QUILLET raconte plusieurs scènes de crimes de guerre commis par les officiers, sous-officiers et soldats de cette compagnie. Parmi ces crimes, les exécutions sommaires de plusieurs dizaines de soldats allemands. Le lieutenant GALLEY ne fut pas en reste dans la commission de ces crimes.
Exemples : à Ecouché en Normandie, le 14 août 1944, les hommes de GALLEY mettent la main sur un homme qui prétend être un prêtre. Ayant des doutes, GALLEY ordonne « un interrogatoire musclé qui se déroule dans la sacristie » raconte QUILLET.
L’homme est donc tabassé à coup de poings. Soudain, les hommes de GALLEY découvrent un tatouage sous le bras gauche du prêtre : C’est un Waffen SS qui se cache en se faisant passer pour un curé ! GALLEY ordonne à ses hommes : « Débarrassez-nous de cette ordure »!
Le faux curé est donc mis à mort sommairement, en dehors de toute procédure légale. Mais ce que ne raconte pas QUILLET, c’est le mode d’exécution. Selon certains témoignages recueillis par Daniel GUERAIN auprès d’anciens de la 2ème DB, le faux curé aurait été au préalable arrosé d’essence avant que les hommes de GALLEY ne craquent une allumette. Le Waffen SS, transformé en torche humaine, est mort brûlé vif. (source : « L’envers de la légende. Histoire d’une libération », Daniel Guérain, 2002. Voir aussi : « Kriegsverbrechen in Europa und im Nahen Osten im 20. Jahrhundert », Franz Seidler, Alfred de Zayas, édition Mittler, 2002, page 213).
A Strasbourg le 24 novembre 1944, un civil alsacien vient voir GALLEY et lui indique la présence d’un couple dans un appartement du voisinage. Ils sont suspectés d’être membres de l’Abwehr. GALLEY envoie deux hommes chercher le couple qui se rend sans discussion. On découvre chez eux une grosse somme d’argent et une masse de documents qu’on n’a pas le temps de dépouiller. GALLEY préfère interroger directement les deux prisonniers. Ceux-ci répondent insolemment. QUILLET raconte que GALLEY se saisit alors d’un fusil et les exécute lui-même froidement le long d’une voie ferrée.

Le 2 décembre 1944 se déroule la bataille d’Herbsheim en Alsace. Le lieutenant GALLEY y combat victorieusement. Le texte de la citation rédigée par le capitaine BUIS ne tarit pas d’éloges : « Magnifique officier, doté des plus belles qualités d’hommes et du plus extraordinaire et intelligent courage du combattant, chef de section maintes fois cité, a conduit de façon magistrale l’attaque d’Herbsheim le 2 décembre 1944 [?] N’a cessé de faire montre, dans les moments les plus critiques, d’un calme et d’une maîtrise impressionnants ».
Ce que ne dit pas la citation mais que rapporte QUILLET, c’est que GALLEY et ses hommes ont, à l’issue des combats, massacré des prisonniers allemands. Selon QUILLET, ont été rassemblés sur la petite place derrière l’église d’Herbsheim une cinquantaine de prisonniers. QUILLET écrit : « Pour tous ceux qui portent les emblèmes SS, ou qui viennent de les arracher, tous ceux qui dissimulent leur grade ou, d’une manière ou d’une autre, cherchent à tromper les vainqueurs, pas de quartier. Il ne reste pas grand monde ».
Pas grand monde ? En clair, sur la cinquantaine de prisonniers, au moins 30 à 40 ont été froidement massacrés.

Le 6 mai 1945, la 1ère compagnie du 501ème RCC est à Bischofswiesen. En fouillant la ville, les hommes de GALLEY mettent la main sur un suspect et sur plusieurs documents qui sont montrés à GALLEY. L’examen de ces documents laisse apparaître que le suspect est un Obersturmführer-SS (lieutenant). QUILLET raconte que toutes les preuves sont là , et même un télégramme adressé au suspect en Pologne, exactement à la Kommandantur de Katowice : O.S.F.S.S. Anton Haffner. Le texte du télégramme lui ordonne de rentrer au plus vite à Berchtesgaden. « Non. Ce n’est pas moi ! proteste le prisonnier, je ne suis pas Anton Haffner ! J’habite Bischofswiesen, ma femme et mes deux enfants sont ici, dans le village ». GALLEY envoie donc un de ses hommes les chercher, accompagné du lieutenant SS, et les ramène. Il a bien dit la vérité.
Puis on raccompagne la femme et les gosses en les rassurant. On ne fera aucun mal à leur mari et père. Cette promesse ne sera pas tenue. Pendant ce temps en effet, GALLEY a fait venir le lieutenant Roger TOUNY et lui dit : « Roger, tu sais ce qu’ils ont fait à ton père à la prison d’Arras. Alors, c’est toi qui va t’occuper de ce SS. C’était plutôt un bureaucrate qu’un combattant, mais ça ne fait qu’aggraver son cas. Qu’a-t-il fait durant ces années terribles ? Surtout en Pologne ! Tu te rends compte ? Un fonctionnaire de l’enfer nazi en Pologne ! » QUILLET ne dit pas précisément ce qui s’est ensuite passé mais il n’y a aucun doute sur le sort du SS. L’exécution sommaire de ce lieutenant est un crime de guerre, ce qui est déjà en soi moralement et juridiquement condamnable, mais ce qui choque tout autant c’est la manière avec laquelle GALLEY a incité un officier à exécuter sommairement un prisonnier, en jouant sur la corde sensible des sentiments (l’épisode du père à la prison d’Arras). Cette attitude, particulièrement perverse, est-elle vraiment digne d’un officier ? Tous ces faits sont rapportés par Pierre QUILLET. Ils ne souffrent d’aucune contestation puisqu’ils ont été publiés dans un livre préfacé par le général BUIS en personne, lequel n’a rien trouvé à y redire.
Il est d’ailleurs légitime de s’interroger sur les responsabilités de BUIS dans tous ces crimes de guerre commis par GALLEY, ainsi que dans ceux commis par d’autres sous-officiers et soldats de sa compagnie, et dont QUILLET rend également compte dans son livre. BUIS ne pouvait pas ignorer ce qui se passait dans sa propre unité? Précisons que Daniel GUERAIN, de son côté, a enquêté auprès d’anciens de la 2ème DB, notamment du Régiment de Marche du Tchad. Il rend compte dans son livre « L’envers de la légende. Histoire d’une libération » de l’existence d’autres épisodes criminels dont se serait rendu coupable GALLEY.

Ainsi celui où, dans un village, ont été faits prisonniers des soldats russes de l’Ostlegion : après avoir été entravés, ils sont brûlés vifs car accusés d’avoir violé une jeune Française. L’exécution de violeurs en temps de guerre peut se comprendre mais était-il besoin de les brûler vifs ? GUERAIN raconte également que tout au long de la progression de la compagnie vers l’Allemagne, de multiples exécutions de prisonniers allemands se sont produites, simplement parce que ceux-ci devenaient encombrants et risquaient de retarder la progression de l’unité.

Il demeure une autre affaire ahurissante : celle du massacre d’Andelot, près de Chaumont, le 12 septembre 1944. Selon GUERAIN le lieutenant GALLEY, après la prise de la ville par les Français, fit enfermer dans une grange des prisonniers allemands avant de faire tirer au canon sur le bâtiment. Les blessés furent achevés à la mitrailleuse. GUERAIN parle de plusieurs centaines de morts. Le chiffre est manifestement très exagéré, voire aberrant. Mais l’historien Eric LEFEVRE a pu écouter les enregistrements sonores réalisés par GUERAIN auprès d’anciens du RMT ou plus généralement de la 2ème DB, et pu aussi directement interroger certains d’entre eux : il y a bien eu des exécutions de plusieurs prisonniers à Andelot (cf. Eric Lefèvre, « Bad Reichenhall, 8 mai 1945, un épisode tragique », 2010, page 283, note de bas de page n°2).

Précisons enfin que GUERAIN, pour mener son enquête concernant les crimes de guerre commis par GALLEY, a interrogé plusieurs anciens de la 2ème DB. Parmi les témoins : deux Compagnons de la Libération, anciens officiers du RMT. Leurs noms sont cités en clair dans un livre en allemand : « Kriegsverbrechen in Europa und im Nahen Osten im 20. Jahrhundert », Franz Seidler, Alfred de Zayas, édition Mittler, 2002, page 213. »

Raoul B.