« Léon XIV : de l’espoir au doute, du doute à la déception »

Le célèbre vaticaniste italien Aldo Maria Valli fait le point, avec un certain chagrin, sur les débuts du pontificat (réel ou prétendu) de Léon XIV, en rappelant le point de vue catholique là où il fait défaut :

« Aujourd’hui, Francis Robert Prevost, le pape Léon XIV, fête ses soixante-dix ans et nous lui adressons nos vœux les plus sincères. […] J’éprouve pour lui une sympathie instinctive. J’aime son ton un peu effacé, son sourire d’homme réservé et peut-être même timide. J’aime le fait qu’il ne se présente pas comme un homme de spectacle.

« On dit qu’il aime travailler en équipe et qu’il sait écouter. Je pense que, combinées à l’humilité, ce sont là les qualités d’un véritable chef. […] Une personne qui le connaît bien m’a dit que son aspect humble et modeste cache un véritable chef, concret et déterminé. J’espère pour lui que c’est le cas. »

Toutefois le journaliste italien reconnaissait : « Apparemment, Francis Robert Prevost est un centriste typique : il n’aime pas les extrémismes et, s’il le peut, il cherche les marges de manœuvre utiles au compromis. Cela peut aussi être une qualité, mais cela peut aussi être une limite, car le compromis peut être mortifère. »

Plus loin, il ajoutait : « En quatre mois de pontificat, Léon XIV a indiqué certaines lignes directrices, mais il ne s’est pas encore pleinement révélé. Beaucoup disent : il est encore trop tôt. Mais un doute commence à surgir : se pourrait-il que la “politique” de Léon consiste précisément à naviguer dans les eaux tumultueuses de l’Eglise et du monde sans prendre de positions claires ? »

Au passage, Aldo Maria Valli rappelait : « J’ai déjà écrit ailleurs qu’avec Léon XIV, nous sommes et restons dans la lignée de Vatican II. Il est inutile d’espérer qu’il remonte le temps. Si l’on voulait le classer, on pourrait le définir comme un moderniste modéré. Nous verrons si, au cas par cas, c’est le substantif ou l’adjectif qui prévaudra. »

Et d’égrener quelques faits significatifs de la fin de l’été : « Ces derniers jours, on a vu émerger le risque qu’il cultive l’ambiguïté. Il n’a pas reçu les participants au jubilé LGBTQ, mais il les a fait entrer dans la basilique avec une croix arc-en-ciel. Il ne leur a adressé aucun message, mais il a accueilli le jésuite Martin avec un sourire, permettant ensuite à l’intéressé de raconter que Léon est sur la même ligne que Bergoglio. »

Le 3 octobre, moins d’un mois après cet article, Aldo Maria Valli exprime sa grande déception, provoquée par les réponses de Léon XIV à une journaliste d’EWTN News dans les jardins de Castel Gandolfo et également par l’intention de prière très « bergoglienne » qu’il propose pour le mois d’octobre.

« Plus soucieux de flatter la pensée dominante que de témoigner de la vérité »

A Castel Gandolfo il a soutenu la décision du cardinal ultra-progressiste Blase Cupich, archevêque de Chicago, d’attribuer un prix pour l’ensemble de sa carrière à un sénateur démocrate ouvertement pro-avortement.

Voici les propos du pape Léon XIV : « Je pense qu’il est important de considérer l’ensemble du travail accompli par un sénateur pendant, si je ne me trompe pas, quarante ans de service au Sénat américain. Je comprends les difficultés et les tensions. Mais comme je l’ai dit à d’autres occasions, il est important de prendre en compte les nombreuses questions liées à l’enseignement de l’Eglise.

« Ceux qui disent : “je suis contre l’avortement” mais sont favorables à la peine de mort, ne sont pas vraiment pro-vie. Ceux qui disent : “je suis contre l’avortement” mais approuvent le traitement inhumain des immigrants aux Etats-Unis, je ne sais pas si cela est pro-vie. Ce sont des questions très complexes et je ne sais pas si quelqu’un connaît toute la vérité à ce sujet, mais je voudrais surtout demander aux gens de se respecter mutuellement et de chercher ensemble la voie à suivre. »

A cela Aldo Maria Valli rétorque : « L’éloge des “quarante ans de service” est paradoxal. Si quelqu’un, en favorisant l’avortement, a contribué à la mort d’innocents, peu importe qu’il ait peut-être aussi fait quelque chose de bien en quarante ans. Il a contribué à un péché très grave et il n’y a pas de circonstances atténuantes. Aucun “service” (et d’ailleurs lequel ?) ne peut compenser le péché commis. »

Aux yeux du journaliste italien, « ce qui est peut-être plus grave, c’est que le pape affirme que “personne ne détient toute la vérité” sur certaines questions, ce qui, en plus d’être faux, rappelle de manière sinistre le “qui suis-je pour juger” du pape Bergoglio. […] L’Eglise non seulement peutla posséder, mais elle doitla posséder. Et en fait, elle la possède. […]

« En ce qui concerne l’avortement, l’Eglise dit que c’est un crime et qu’il est donc inadmissible. Il n’y a pas à discuter. Il n’y a pas de “mais” ni de “si”. J’ajoute quela tentative de minimiser le scandale en recourant à la sempiternelle rengaine du “respect mutuel” entre catholiques qui pensent différemment sent fortement l’hypocrisie onctueuse et se tourne contre les évêques qui ont courageusement dénoncé le choix de Cupich. »

Et d’ajouter avec force : « Je suis désolé de le dire, mais avec sa déclaration, le pape Prevost s’est montré plus soucieux de flatter la pensée dominante que de témoigner de la vérité. Le résultat est que les fidèles, une fois de plus, sont trompés et induits en erreur.La défense de la vie naissante est un principe fondamental qui ne peut être négocié.

« Récompenser un homme, un politicien, qui pendant des décennies a encouragé le meurtre d’innocents est quelque chose de diabolique, et le pape devrait le dire clairement. […] On espérait que le temps de la confusion, de l’ambiguïté et de la trahison était révolu. Tout porte à croire que le cauchemar continue. »

Une intention de prière interreligieuse

L’autre cause de la déception d’Aldo Maria Valli est l’intention de prière du mois d’octobre « pour la collaboration entre les différentes traditions religieuses ». Le vaticaniste commente : « C’est toujours la même histoire :indifférentisme religieux et œcuménisme à profusion. La ligne de démarcation entre l’Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ et l’esprit du monde est effacée, noyée dans le bouillon maçonnique de la “fraternité humaine”. »

Et d’argumenter : « Lorsque le pape dit, sous les applaudissements du monde, que les religions “deviennent parfois des sources de conflit”, il laisse entendre que la vérité est trop source de division et doit donc être quelque peu adoucie. Or, il semble que Notre Seigneur ait dit qu’il était venu apporter non pas la paix, mais l’épée. La vérité divise, certes. Si elle ne divise pas, ce ne sont que des paroles qui plaisent au monde.

« Dans l’intention de prière, on ne nous épargne pas non plus le refrain selon lequel les religions doivent être des “ponts” et non des “murs”. Mais notre foi n’est pas un simple pont entre des religions toutes identiques. Si tel était le cas, pourquoi le Christ aurait-il demandé aux siens d’aller dans le monde entier pour proclamer la foi, faire des disciples et baptiser ?

« Les martyrs ne sont pas morts parce qu’ils voulaient jeter des ponts de collaboration, mais parce qu’ils n’ont pas renoncé à témoigner de la vérité. » En bref, « toute l’intention de prière est imprégnée d’un sentimentalisme qui n’a rien à voir avec ce qu’a enseigné Notre Seigneur. Comme si les catholiques étaient des travailleurs humanitaires et non des soldats du Christ. »

Le vaticaniste déçu conclut son article : « Croyez-moi, je n’écris pas ces évaluations à la légère. J’avais vraiment espéré en le pape Prevost, mais je vois qu’il suit des pas malheureux. »

Trad. à partir de benoitetmoi/DICI n°461 –
source FSSPX.Actualités

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