Messe de ce dimanche : le Très Saint Nom de Jésus (textes et commentaires)

Nous vous proposons une présentation des textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel, tel que le suivaient nos ancêtres).

« « Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche… Frères, sachez-le, il n’est aucun autre nom parmi ceux qui ont été donnés aux hommes, qui doive nous sauver. » (S. Pierre, à Matines et dans l’épître de la messe).
Le nom de Jésus signifie Sauveur ; il n’y a en effet de salut qu’en lui.
La messe et les vêpres célèbrent tout ensemble la sainteté, la puissance et la douceur du nom de Jésus. Objet de l’amour des chrétiens, le nom de Jésus est pour eux d’une douceur incomparable ; mais pour chacun des chrétiens comme pour tous les hommes, il reste »le nom saint et redoutable », « le nom qui est au-dessus de tout nom », parce que celui qui le porte est le Dieu trois fois saint en même temps que le Sauveur du monde. »

Dom G. Lefebvre

COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER
(dans l’Année liturgiquedisponible ici avec ses autres livres)

[note : dom Guéranger fait d’abord une longue présentation historique et théologique de cette fête. Pour aller directement aux textes de la messe commentés, descendre jusqu’à la partie intitulée « A LA MESSE »]

Le deuxième Dimanche après l’Épiphanie, qui rappelle le festin des noces de Cana, fut d’abord choisi pour célébrer cette fête. C’est au jour nuptial que le nom de l’Époux devient propre à l’Épouse : ce nom désormais témoignera qu’elle est à lui L’Église, voulant honorer d’un culte spécial un nom pour elle si précieux, en unissait donc le souvenir à celui des Noces divines. Aujourd’hui, elle rapproche de l’anniversaire même du jour où il fut donné, huit jours après sa naissance, la célébration de ce Nom auguste, et laisse à la commémoration des Noces sacrées le Dimanche dont de tout temps cette commémoration fut la gloire.

L’ancienne alliance avait environné le Nom de Dieu d’une terreur profonde : ce nom était pour elle aussi formidable que saint, et l’honneur de le proférer n’appartenait pas à tous les enfants d’Israël. Dieu n’avait pas encore été vu sur la terre, conversant avec les hommes ; il ne s’était pas encore fait homme lui-même pour s’unir à notre faible nature : nous ne pouvions donc lui donner ce Nom d’amour et de tendresse que l’Épouse donne à l’Époux.

Mais quand la plénitude des temps est arrivée, quand le mystère d’amour est sur le point d’apparaître, le Nom de Jésus descend d’abord du ciel, comme un avant-goût de la présence du Seigneur qui doit le porter. L’Archange dit à Marie : « Vous lui donnerez le Nom de Jésus » ; or, Jésus veut dire Sauveur. Que ce Nom sera doux à prononcer à l’homme qui était perdu ! Combien ce seul Nom rapproche déjà le ciel de la terre ! En est-il un plus aimable, un plus puissant ? Si, à ce Nom divin, tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers, est-il un cœur qui ne s’émeuve d’amour à l’entendre prononcer ? Mais laissons raconter à saint Bernard la puissance et la douceur de ce Nom béni. Voici comme il s’exprime, à ce sujet, dans son XVe Sermon sur les Cantiques [1] :

« Le Nom de l’Époux est une lumière, une nourriture, un remède. Il éclaire, quand on le publie ; il nourrit, quand on y pense à part soi ; et quand on l’invoque dedans la tribulation, il procure l’adoucissement et l’onction. Parcourons, s’il vous plaît, chacune de ces qualités. D’où pensez-vous qu’ait pu se répandre, par tout l’univers, cette si grande et si soudaine lumière de la Foi, si ce n’est de la prédication du Nom de Jésus ? N’est-ce pas par la lumière de ce Nom béni, que Dieu nous a appelés en son admirable lumière ? De laquelle étant illuminés, et voyant en cette lumière une autre lumière, nous oyons saint Paul nous dire à bon droit : Vous avez été jadis ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.
« Or, le Nom de Jésus n’est pas seulement lumière ; ains encore, il est nourriture. N’êtes-vous donc pas confortés, toutes fois et quantes que vous rappelez à votre cœur ce doux Nom ? Qu’est-il au monde qui nourrisse autant l’esprit de celui qui pense à lui ? Qu’est-ce qui, de la même sorte, répare les sens affaiblis, donne de l’énergie aux vertus, fait florir les bonnes mœurs, et entretient les honnêtes et chastes affections ? Toute nourriture de l’âme est sèche, si elle n’est détrempée de cette huile ; elle est insipide, si elle n’est assaisonnée de ce sel.
« Quand vous m’écrivez, votre récit n’a pour moi nulle saveur, si je n’y lis le Nom de Jésus. Lorsque vous disputez ou conférez avec moi, le conteste n’a pour moi aucun intérêt, si je n’y entends résonner le Nom de Jésus. Jésus est un miel à ma bouche, une mélodie à mon oreille, une jubilation à mon cœur ; oui même, outre ce, une médecine bienfaisante. L’un de vous est-il triste ? Que Jésus vienne en son cœur ; que de là il passe en sa bouche, et incontinent, à la venue de ce divin Nom qui est une vraie lumière, tout nuage s’enfuit, la sérénité revient. Quelqu’un tombe-t-il dans le crime ; voire même, court-il, en se désespérant, au lacs de la mort ? S’il invoque le Nom de Jésus, ne recommencera-t-il pas de suite à respirer et à vivre ? Qui jamais oncques demeura dedans l’endurcissement du cœur, comme font tant d’autres, ou bien dedans la torpeur de la fétardie [négligence, paresse], la rancune, ou la langueur de l’ennui ? Quel est celui qui, par aventure, ayant à sec la source des larmes, ne l’ait sentie soudainement couler plus abondante et plus suave, sitôt que Jésus a été invoqué ? Quel est l’homme qui, palpitant et s’alarmant, au fort des périls, puis venant à invoquer ce Nom de vaillance, n’a pas senti tout aussitôt naître en soi la confiance et fuir la crainte ? Quel est celui, je vous le demande, qui, ballotté et flottant à la merci des doutes, n’a pas, sur-le-champ, je le dis sans balancer, vu reluire la certitude, à l’invocation d’un Nom si éclatant ? Qui est-ce qui, durant l’adversité, écoutant la méfiance, n’a pas repris courage, au seul son de ce Nom de bon secours ? Par effet, ce sont là les maladies et langueurs de l’âme, et il en est le remède.
« Certes, et je puis vous le prouver par ces paroles : Invoque-moi, dit le Seigneur, au jour de la tribulation, et je t’en tirerai, et tu m’honoreras. Rien au monde n’arrête si bien l’impétuosité de la colère, et n’accoise pareillement l’enflure de la superbe. Rien aussi parfaitement ne guarit les plaies de la tristesse, comprime les débordements de la paillardise, éteint la flamme de la convoitise, étanche la soif de l’avarice, et bannit toutes les démangeaisons des passions déshonnêtes. De vrai, quand je nomme Jésus, je me propose un homme débonnaire et humble de cœur, bénin, sobre, chaste, miséricordieux, et, en un mot, brillant de toute pureté et sainteté. C’est Dieu lui-même tout-puissant qui me guérit par son exemple, et me renforce par son assistance. Toutes ces choses retentissent à mon cœur, lorsque j’entends sonner le Nom de Jésus. Ainsi, en tant qu’il est homme, j’en tire des exemples, pour les imiter ; et en tant qu’il est le Tout-Puissant, j’en tire un secours assuré. Je me sers desdits exemples comme d’herbes médicinales, et du secours comme d’un instrument pour les broyer, et j’en fais une mixtion telle que nul médecin n’en saurait faire de semblable.
« O mon âme ! tu as un antidote excellent, caché comme en un vase, dans ce Nom de Jésus ! Jésus, pour le certain, est un Nom salutaire et un remède qui jamais oncques ne se trouvera inefficace pour aucune maladie. Qu’il soit toujours en votre sein, toujours à votre main : si bien que tous vos sentiments et vos actes soient dirigés vers Jésus. »

Telle est donc la force et la suavité du très saint Nom de Jésus, qui fut imposé à l’Emmanuel le jour de sa Circoncision ; mais, comme le jour de l’Octave de Noël est déjà consacré à célébrer la divine Maternité, et que le mystère du Nom de l’Agneau demandait à lui seul une solennité propre, la fête d’aujourd’hui a été instituée. Son premier promoteur fut, au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne, qui établit et propagea l’usage de représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus, réduit à ses trois premières lettres IHS, réunies en monogramme. Cette dévotion se répandit rapidement en Italie, et fut encouragée par l’illustre saint Jean de Capistran, de l’Ordre des Frères Mineurs, comme saint Bernardin de Sienne. Le Siège Apostolique approuva solennellement cet hommage au Nom du Sauveur des hommes ; et, dans les premières années du XVIe siècle, Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l’Ordre de saint François le privilège de célébrer une fête spéciale en l’honneur du très saint Nom de Jésus.

Rome étendit successivement cette faveur à diverses Églises ; mais le moment devait venir où le Cycle universel en serait enrichi lui-même. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI, Empereur d’Allemagne, que le Pape Innocent XIII décréta que la Fête du très saint Nom de Jésus serait célébrée dans l’Église entière, et il la fixa tout d’abord, comme nous l’avons dit, au deuxième dimanche après l’Épiphanie.

A LA MESSE.

Dès l’Introït, l’Église annonce la gloire du Nom de son Époux. Ciel, terre, abîme, tressaillez au bruit de ce Nom adorable ; car le Fils de l’Homme qui le porte est aussi le Fils de Dieu.

Introït (Phil. 2, 10-11.) :
Qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue proclame que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père.
Ps. 8, 2.  Seigneur, notre Maître, que votre nom est admirable dans toute la terre.
V/.Glória Patri.

Dans la Collecte, l’Église, qui trouve dans le Nom de son Époux la consolation de son exil, demande de jouir bientôt de la vue de Celui que ce Nom chéri lui représente.

Collecte :
O Dieu qui avez établi votre Fils unique Sauveur du genre humain, et avez ordonné qu’on l’appelât Jésus, faites, dans votre miséricorde, que nous jouissions dans les cieux de la vue de celui dont nous vénérons le saint nom sur la terre.

ÉPÎTRE.
Lectures des Actes des Apôtres (4, 8-12) :
En ce jours là : Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur dit : « Chefs du peuple et Anciens, puisqu’on nous interroge aujourd’hui sur un bienfait (accordé) à un infirme, (pour savoir) comment cet homme a été guéri, sachez-le bien, vous tous, et tout le peuple, d’Israël : C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, que Dieu a ressuscité des morts, c’est par lui que cet homme est présent devant vous en pleine santé. C’est lui, la pierre rejetée par vous les constructeurs, qui est devenue tête d’angle. Et le salut n’est en aucun autre, car il n’est sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. »

Nous le savons, ô Jésus ! Nul autre nom que le vôtre ne pouvait nous donner le salut : ce Nom, en effet, signifie Sauveur. Soyez béni d’avoir daigné l’accepter ; soyez béni de nous avoir sauvés ! Cette alliance ineffable que vous nous annoncez aujourd’hui dans les Noces mystérieuses, est tout entière exprimée dans votre doux et admirable Nom. Vous êtes du ciel, et vous prenez un nom de la terre, un nom qu’une bouche mortelle peut prononcer ; vous unissez donc pour jamais la divine et l’humaine nature. Oh ! rendez-vous dignes d’une si sublime alliance, et ne permettez pas qu’il nous arrivé jamais de la rompre.

La sainte Église célèbre ensuite, par ses chants, la louange de ce divin Nom que bénissent toutes les nations ; car il est le Nom du Rédempteur de toute chair.

Graduel :
Sauvez-nous Seigneur, notre Dieu, et rassemblez-nous du milieu des nations, afin que nous célébrions votre saint nom et que nous mettions notre gloire à vous louer.
V/. Isai. 63, 16. C’est vous Seigneur, qui êtes notre père et notre libérateur, vous dont le nom est éternel.
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 144, 21. Ma bouche publiera la louange du Seigneur, et que toute chair bénisse son saint nom. Alléluia.

ÉVANGILE.
Lecture du Saint Evangile selon saint Luc (2, 21.) :
En ce temps là, le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, que l’ange avait indiqué avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.

C’est au moment de la première effusion de votre sang dans la Circoncision, ô Jésus, que vous avez reçu votre Nom ; et il en devait être ainsi, puisque ce nom veut dire Sauveur, et que nous ne pouvions être sauvés que par votre sang. Cette alliance fortunée que vous venez contracter avec nous vous coûtera un jour la vie ; l’anneau nuptial que vous passerez à notre doigt mortel sera trempé dans votre sang, et notre vie immortelle sera le prix de votre cruelle mort. Votre Nom sacré nous dit toutes ces choses, ô Jésus ! ô Sauveur ! Vous êtes la Vigne, vous nous conviez à boire votre Vin généreux, mais la céleste grappe sera durement foulée dans le pressoir de la justice du Père céleste ; et nous ne pourrons nous enivrer de son suc divin qu’après qu’elle aura été violemment détachée du cep et broyée. Que votre Nom sacré, ô Emmanuel, nous rappelle toujours ce sublime mystère ; que son souvenir nous garde du péché, et nous rende toujours fidèles.

Durant l’Offrande, la sainte Église continue de chanter le Nom divin qui fait l’objet de la présente solennité ; elle célèbre les miséricordes qui sont réservées à tous ceux qui invoquent ce Nom adorable.

Offertoire (Ps. 85, 12 et 5.) :
Je vous louerai, Seigneur, mon Dieu, de tout mon cœur, et je glorifierai éternellement votre nom. Car vous êtes, Seigneur, suave et doux, et plein de miséricorde pour tout ceux qui vous invoquent, alléluia.

Secrète :
Nous vous en supplions, Dieu très clément, que votre bénédiction, où toute créature puise la vie, sanctifie ce sacrifice qui est nôtre et que nous vous offrons pour glorifier le nom de votre Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ ; afin qu’il plaise à votre majesté comme une digne louange et qu’il nous soit profitable pour le salut.

Préface de la Nativité en raison du Temps.

Les fidèles ayant reçu le céleste aliment qui contient le Corps et le Sang du Sauveur Jésus, l’Église, dans sa reconnaissance, convie toutes les nations à chanter et à glorifier le Nom de Celui qui les a faites et qui les a rachetées.

Communion (Ps. 85, 9-10.) :
Toutes les Nations que vous avez créées viendront et se prosterneront devant vous Seigneur, et elles rendront gloire à votre nom ; car vous êtes grand et vous faites des prodiges ; vous seul êtes Dieu, alléluia.

Il ne reste plus maintenant à la sainte Église qu’un vœu à former : c’est que les noms de tous ses enfants soient écrits à la suite du glorieux Nom de Jésus, sur le livre de l’éternelle prédestination. Ce bonheur nous est assuré, si nous savons toujours goûter ce Nom de salut, et rendre notre vie conforme aux devoirs qu’il impose.

Postcommunion :
Dieu tout-puissant et éternel, qui nous avez créés et rachetés, soyez propice à nos vœux ; et daignez agréer avec un visage doux et bienveillant le sacrifice de l’hostie salutaire que nous avons offert à votre majesté en l’honneur du nom de votre Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ ; afin que votre grâce étant répandue dans nos âmes, nous nous réjouissions de ce que nos noms auront été écrits dans les cieux, au titre de l’éternelle prédestination, sous le glorieux nom de Jésus.

Les Hymnes qui sont employées par l’Église à l’Office de la fête, ont été attribuées longtemps à saint Bernard ; mais des manuscrits incontestables les revendiquent pour une pieuse Abbesse de l’Ordre de saint Benoît, qui vivait au XIVe siècle.

La Séquence que nous donnons ensuite est de la composition du pieux franciscain Bernardin de Bustis, qui rédigea, sous Sixte IV, un Office et une Messe du saint Nom de Jésus.

SÉQUENCE.
Le doux Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, gracieux, débonnaire, beau et florissant :
Pour le salut de son peuple, il a subi la mort et les tourments, pâle et livide sur la croix.
Doux Nom, doux surnom ; c’est le Nom par excellence, qui surpasse tous les noms.
Il calme les pécheurs, il réchauffé les justes, il les fortifie, il les garde contre les attaques.
Sous l’étendard de ce Roi, tu vis dans un état tranquille, et tes ennemis s’éloignent.
Le Nom de Jésus, quand on le médite, dissipe l’appareil de la guerre ; l’adversaire vaincu s’enfuit.
C’est un Nom qu’il faut révérer, un Nom redoutable aux malins esprits.
C’est un Nom de salut, une consolation singulière qui soulage les affligés.
Il nous le faut honorer, le placer dans le trésor de notre cœur, le méditer, l’aimer, mais d’un héroïque amour.
Ce Nom, Ignace l’a publié, il l’a fait retentir au milieu des tourments ; son cœur ouvert a laissé voir Jésus, écrit en caractères célestes.
Que pouvons-nous souhaiter de plus que d’avoir Jésus pour intime ? De tous il est le plus aimant, et il désire nous aimer.
Il aime avec ardeur, il aime avec constance, il aime avec fidélité, et veut secourir les siens.
Tel il a fait son Nom, qu’il puisse être pour tous le charme du cœur, l’objet excellent et principal d’un amour intime.
Les droits de la nature l’exigent : nous devons aimer de toutes nos forces celui qui nous aime, prévenir ses désirs avec empressement.
Le Nom de Jésus renferme tout bien, il résonne avec douceur, il nous vaut un trône au royaume du ciel, il réjouit notre oreille.
En lui brille la splendeur du Père, en lui éclate la beauté de sa Mère ; en lui se reflète la gloire de son Père, il fait la grandeur de ses frères.
Si donc quelqu’un veut connaître pourquoi le Nom de Jésus fait si vivement souhaiter aux justes de s’attacher à lui :
C’est que Jésus est beau dans son éclat, que sa bonté est souveraine, qu’il est doux-, facile, plein de mansuétude, porté à la clémence.
Jésus est le Roi de gloire ; Jésus est brillant de beauté, Jésus est plein de grâce dans ses paroles, admirable dans ses œuvres.
Jésus est fort et vaillant ; Jésus est un athlète vigoureux ; Jésus est magnifique dans ses dons, il aime à les distribuer.
Jésus est tendre et compatissant, Jésus est un guide lumineux ; Jésus est rempli de délices et de la plus douce saveur.
Jésus est illustre et glorieux ; Jésus est pour tous abondant en fruits ; Jésus est la source des vertus ; aux siens il donne ses faveurs.
Le plus élevé dans les honneurs, le plus chéri dans l’amour ; toutes les gloires sont à lui.
Par sa science il connaît tout, dans son immensité il embrasse tout, par son amour il ravit les cœurs, et les retient dans ses liens.
Que ce Nom, le Nom du doux Jésus, nous soit donc toujours cher ; qu’il soit fixé dans notre cœur, et que rien ne l’en puisse arracher.
Qu’il enlève le mal du péché, qu’il inspire des chants d’allégresse, qu’il nous donne de jouir de la demeure des bienheureux !
Amen.

Nous empruntons aux anciens Missels d’Allemagne l’Hymne suivante, qui reproduit souvent les sentiments et les expressions de la Séquence de Bernardin de Bustis :

HYMNE.
Il est un Nom digne de tout honneur, adoré au plus haut des cieux, un Nom de gloire souveraine ; révélé à Gabriel, par lui sur terre il fut annoncé à la Mère de grâce.
Marie donne le nom de Sauveur à son Fils circoncis le huitième jour, selon la coutume de ses pères. Publié dans le monde entier, cet heureux Nom sauve ceux qui croient en lui.
En ce Nom brille la splendeur de la Trinité et de l’Unité ; il fait la joie du ciel. En ce Nom resplendit l’honneur du Père ; en ce Nom éclate la beauté de la Mère ; ce Nom fait la gloire des frères du Sauveur.
C’est là le Nom salutaire, la consolation singulière qui vient au secours des cœurs affligés. C’est le Nom qu’il nous faut honorer, bénir et louer, dans la joie constante de nos âmes.
Si on le prononce, c’est une mélodie ; si on l’invoque, c’est un doux miel ; il nous garde contre nos ennemis. Le cœur jubile, en songeant à ce Nom si formidable aux esprits de malice.
C’est le Nom plein de grâce, abondant en fruits, fécond en vertus, par-dessus tous les noms. C’est lui qui fait connaître aux hommes la face d’un Dieu toute gracieuse, remplie de beauté et d’amour.
Ce Nom est beau dans son éclat ; il est le souverain bien lui-même ; sa saveur intime est la plus douce. Tout-puissant en sa force, sublime en ses honneurs, il est le principe des délices et de la félicité.
Donc, ô Pasteur des âmes, leur lumière incessante, ô bon Jésus ! par votre Nom si cher, protégez-nous, et fermez sous nos pas le noir chaos des ténèbres.
Réformateur de toutes les nations humaines, Vie qui avez détruit la mort, restaurateur de la ruine qu’avaient soufferte les tribus angéliques, daignez vous donner à nous.
Amen. »

Commentaire du Bhx Cardinal Schuster,
in Liber Sacramentorum

« L’apôtre d’une spéciale dévotion envers l’adorable Nom du Sauveur fut, au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne qui parcourut une grande partie de l’Italie, en présentant aux populations, dans un petit tableau, les initiales du saint Nom de Jésus tout entourées de rayons. A la prédication du Frère Mineur répondirent les plus splendides conversions, et de toutes parts, spécialement à Sienne et à Viterbe, on rivalisa pour graver sur la façade des maisons privées comme sur celle du palais communal l’auguste Nom du Rédempteur. Les Franciscains, héritiers de l’esprit de Bernardin, continuèrent après sa mort, et surtout après sa canonisation, à organiser des fêtes en l’honneur du Nom de Jésus, déjà vénéré avec un office liturgique spécial en de nombreux endroits d’Italie, quand enfin Innocent XIII (1721-1724) étendit cette fête à l’Église universelle, élevant son rite au double de seconde classe. Entretemps, saint Ignace de Loyola avait donné le Nom de Jésus à l’institut fondé par lui.

Bien que la messe révèle son caractère moderne, — et que, liturgiquement, elle soit une répétition de celle du Ier janvier, — elle est très pieuse et remplie de cette suave onction de dévotion qui distingue la famille franciscaine au moyen âge.

Le très saint Nom de Jésus est le divin poème qui exprime ce que la sagesse et la miséricorde de Dieu ont pu inventer de plus sublime et de plus humble pour sauver l’humanité déchue. Ce Nom adorable, prononcé d’abord par l’Ange, puis imposé au Verbe incarné par Marie et par Joseph, se trouva aussi sur les lèvres de Pilate quand il lut la sentence de mort contre le Sauveur. Jésus fut le rebut du monde ; mais précisément par les mérites de son sacrifice spontané, le Père éternel le constitua juge des vivants et des morts et voulut que son Nom figurât aussi en signe de salut sur le front des prédestinés. Habentes nomen eius et nomen Patris eius scriptum in frontibus.

L’introït (Philip., II, 10-11) est presque identique à celui du mercredi saint. « Qu’au Nom de Jésus ploie tout genou, au ciel, sur la terre et dans les abîmes ; et que toute langue proclame que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père. » PS. 8 : « Seigneur, notre Seigneur ; combien admirable sur toute la terre est votre Nom ! »

La prière, de caractère moderne, manque du rythme du cursus mais elle est pieuse. On y remarque que la vraie dévotion au saint Nom de Jésus consiste à exprimer Jésus par les œuvres, en sorte que toutes soient des œuvres de salut. « O Dieu qui avez établi votre Fils unique Sauveur du genre humain, et qui avez voulu qu’il s’appelât Jésus, faites que, vénérant son nom sur la terre, nous puissions jouir de sa vue dans le ciel. Par notre Seigneur, etc. »

La lecture est tirée des Actes des Apôtres (IV, 8-12) : Au lendemain de la Pentecôte, et après l’éclatant miracle de la guérison du boiteux devant la porte du temple, tandis que tout le Sanhédrin, troublé et excité sous l’angoissante obsession du déicide, tente l’effort suprême contre les disciples de Jésus, Pierre, inébranlable, proclame la divinité, la puissance et la gloire de ce Nom adorable, là, en présence de ces mêmes juges qui, deux mois auparavant, avaient crié : Reus est mortis ; dans cette même salle où avait été prononcée la sentence de mort. Quelle différence toutefois entre alors et maintenant ! Naguère Jésus, les mains liées derrière le dos, jouait le rôle du coupable ; aujourd’hui au contraire, ressuscité, il siège à la droite du Père, juge des vivants et des morts. Le Sanhédrin l’estima indigne de vivre ; aujourd’hui Dieu l’a glorifié par un miracle éclatant, disposant ainsi qu’en son Nom seul l’humanité pût obtenir le salut désiré.

Le répons est tiré en partie du psaume 105, en partie d’Isaïe (LXIII, 16) ; dans ce choix se révèle le compositeur moderne, qui a oublié que le graduel est le chant d’un psaume de rythme responsorial, suivant normalement la première lecture scripturaire de la messe. « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous du milieu des Gentils, pour que nous célébrions votre saint Nom et que nous mettions notre gloire à vous louer. » Cette prière est aussi celle que l’Église, qui ne fait pas de distinction entre les circoncis et les Gentils, élève quotidiennement vers Dieu pour qu’il accomplisse la promesse faite aux Patriarches et aux Prophètes, et qu’il fasse briller même sur le pauvre peuple d’Israël, dispersé dans le monde et adorateur du veau d’or, la lumière et la gloire de l’auguste Nom de leur Messie, Jésus. Verset, Is., LXIII, 16 : « Vous, Seigneur, vous êtes notre Père et notre Rédempteur ; votre Nom est dès l’éternité. » — Le nom éternel de Dieu c’est son Verbe en tant qu’il dit tout le Père ; mais ce Verbe a, dans le temps, lui aussi, un nom qui lui est propre et qui dit toute sa puissance, sa beauté, sa bonté : ce nom, c’est Jésus. En tant que le Verbe dit le Père, ce nom éternel est pour le Père Lui-même ; en tant que le Verbe incarné s’appelle Jésus, ce nom est pour nous, entièrement pour nous.

Le verset alléluiatique est tiré du psaume 144 où le Prophète non seulement veut proclamer .la louange de Dieu, mais désire que la terre tout entière chante son Nom et le sanctifie. Sanctificetur Nomen tuum. Et comment ? Par la sainteté des œuvres.

La lecture évangélique répète celle du Ier janvier, car la fête de ce jour, née en une période de décadence de l’esprit liturgique, fut instituée précisément parce que le sens complexe et très profond de la solennité de la Circoncision du Christ, avec les multiples mystères qui s’y rapportent, échappait en grande partie à la dévotion et à l’intelligence des fidèles.

Ce passage de saint Luc (II, 21) est court mais plein d’enseignements célestes. Jésus consacre la Loi dont il est l’auteur en s’y soumettant volontairement et en acceptant le signe extérieur des fils et des héritiers du patriarche Abraham. La circoncision symbolise en outre la mortification chrétienne, ou, comme le dit l’Apôtre, la circoncision du cœur de tout ce qui est luxure de la vie, entendue au sens le plus large. Le nom de Jésus est imposé aujourd’hui seulement au Divin Enfant, et cela après qu’il a commencé l’œuvre de la Rédemption dans la douleur par une première plaie sanglante dans sa sainte Humanité. Telle est la loi du royaume de la grâce. L’unique voie conduisant à la gloire est celle de la croix.

L’offertoire est tiré du psaume 85 : « Seigneur mon Dieu, je vous louerai avec tout mon cœur et je glorifierai sans cesse votre Nom, parce que vous, Seigneur, vous êtes doux et bon et que vous exercez une miséricorde infinie envers tous ceux qui vous invoquent. Alléluia. » Ici le Prophète ne se contente pas de louer de temps à autre le saint Nom de Dieu, mais il veut le faire sans cesse, et cela par ses œuvres. En effet, comme celui qui vit contrairement à la foi à laquelle Dieu l’a initié, profane cette foi et, en quelque sorte, blasphème le Nom adorable de Dieu qu’il porte imprimé dans son cœur : lugiter tota die nomen meum blasphematur, dit Isaïe (LII, 5) — ainsi celui qui agit en véritable enfant de Dieu, celui qui le fait revivre et l’exprime en lui-même, celui-ci sanctifie en lui le Nom adorable du Seigneur.

La secrète est la suivante : « Dieu très clément, que votre bénédiction, qui réconforte toute créature, sanctifie ce sacrifice que nous vous offrons à la gloire du nom de Jésus, votre Fils et notre Seigneur, afin qu’il soit accepté de vous comme un hommage de louange et qu’il nous soit salutaire et profitable. Par le même, etc. » La bénédiction qui est demandée ici ne concerne pas seulement les offrandes, afin que la matière du sacrifice soit convenablement préparée, mais aussi les sacrificateurs, pour que leur foi et leur charité rende l’oblation glorieuse à Dieu et salutaire et profitable au peuple fidèle.

L’antienne de la communion est tirée du psaume 85 et chante l’universalité de la Rédemption : « Toutes les nations créées par vous accourront, Seigneur, pour vous adorer et pour chanter gloire à votre Nom. En effet, vous êtes grand et vous agissez merveilleusement : vous seul êtes Dieu. Louange à Yahweh. » Le nom de Jésus est un nom universel, parce que le Sauveur n’exclut personne de sa Rédemption, étant Lui-même le « Chef des hommes et des anges », mediator Dei et hominum, homo Christus Iesus.

La prière d’action dé grâces est longue et compliquée. Dans l’ensemble toutefois elle est pieuse. Celui qui veut être sauvé sait donc ce qu’il convient de faire. Le nom de chaque prédestiné ne peut être que celui de Jésus, mais un nom de Jésus vivant, substantiel, comme celui que porte le Verbe incarné : c’est-à-dire que nous devons exprimer Jésus par toute notre vie.

Quelque grands que soient nos péchés, personne ne doit jamais désespérer de son salut, car tant que le Sauveur s’appellera Jésus, et c’est là un nom de gloire éternelle, II sera toujours le Jésus de toute l’humanité et de chacun en particulier. »

Commentaire de Dom Pius Parsch,
dans le Guide dans l’année liturgique

« Au nom de Jésus doivent fléchir les genoux tous ceux qui sont au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et toute langue doit confesser que Notre-Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire du Père. (Introït).

Il n’a pas été donné d’autre nom, aux hommes sous le ciel, par lequel nous devions obtenir le salut. (Leçon).

1. Considérations préliminaires. — Cette fête n’apporte aucun progrès dans l’évolution de l’année liturgique, ce n’est qu’un complément de la fête de la Circoncision. Au moment de la Circoncision, Notre Seigneur reçut le nom de Jésus comme l’ange l’avait annoncé auparavant. Le but de la fête est de faire considérer aux chrétiens la majesté du Saint Nom de Jésus. C’est une fête récente, dont l’origine est surtout la piété méditative. Nous en tirerons cependant des pensées liturgiques conformes à l’esprit antique du Christianisme.

Que signifie originairement le nom ? Le nom devrait exprimer l’essence d’une chose. Ainsi Adam, au Paradis terrestre, donna à tous les animaux des noms conformes à leur nature intime. De même le nom de Dieu signifiait chez les Juifs son essence : Yahvé, c’est-à-dire : je suis Celui qui suis, l’Être éternel. C’est pourquoi les Juifs avaient un si grand respect du nom de Dieu qu’ils n’avaient pas le droit de le prononcer. Ce respect est également inclus dans le Notre Père : « Que ton nom soit sanctifié ». Les personnes qui, dans l’histoire sainte, ont joué un rôle important ont reçu leur nom de Dieu lui-même. Adam — l’homme de la terre, Ève — la mère des vivants ; Abraham — le père de beaucoup de peuples ; Pierre — le rocher. Le précurseur de Notre-Seigneur a reçu lui aussi un nom que Dieu lui imposa. La famille voulait à toute force lui donner le nom de son père, mais Élisabeth aussi bien que Zacharie manifesta ses exigences : Jean est son nom (Jean veut dire : la grâce de Dieu).

Nous pouvons comprendre dès lors que le nom du Sauveur ne lui a pas été donné au hasard ni d’après le caprice des hommes, mais qu’il l’a reçu directement de Dieu. Car son nom devait exprimer son sublime ministère sur la terre. Nous lisons en effet dans l’Écriture que l’ange Gabriel annonça à la Vierge Marie le nom de Notre Seigneur : « Tu lui donneras le nom de Jésus. » Et à saint Joseph, son père nourricier, l’ange dit encore davantage, il n’annonça pas seulement le nom, mais encore il en expliqua la signification : « tu lui donneras le nom de Jésus, car il rachètera son peuple de ses péchés ; » Ainsi donc Notre. Seigneur ne devait pas seulement être le Sauveur mais encore en porter le nom. Chez Notre Seigneur le nom exprime donc véritablement son essence.

Voilà pourquoi ce nom doit être si saint pour les chrétiens. Toutes les fois que nous prononçons ce nom, nous devons incliner ta tête, car ce nom nous rappelle à lui seul le plus grand bienfait que nous ayons jamais reçu : notre qualité de rachetés et d’enfants de Dieu.

2. La messe (In nomine Jesu). — La messe est un sacrifice de louange en l’honneur du Saint Nom de Jésus. L’Introït nous donne une belle image d’adoration. Nous voyons le royaume de Dieu dans ses trois états : l’Église triomphante, l’Église militante et l’Église souffrante prosternées devant le Seigneur assis. sur son trône de gloire et dont le nom est Jésus. La collecte demande la vision éternelle au ciel du Seigneur dont nous honorons le nom sur la terre. La leçon est un passage du plaidoyer de saint Pierre après la guérison du paralytique : « Au nom de Jésus-Christ de Nazareth que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité des morts, cet homme se tient devant vous guéri… Car Il n’a pas été donne aux hommes d’autre nom sous le ciel par lequel nous devions obtenir le salut. » Le Graduel se rattache à la leçon. Celle-ci se terminait par ces mots : salvos fieri (recevoir le salut), le Graduel continue : Salvos fac nos (donne-nous le salut). L’Alléluia est vraiment un chant de louange (Alléluia veut dire : louez Dieu) : « Ma bouche doit annoncer la louange du Seigneur et toute chair doit louer son saint nom. » L’Évangile est le même que celui de la Circoncision : le Seigneur reçoit le nom de Jésus qui lui avait été donné auparavant par l’ange, avant sa conception. Les deux processions eucharistiques (Off. et Comm.) sont un chant de louange au nom du Seigneur. Les deux oraisons (Sec. et Postc.) caractérisent la sainte messe comme « un sacrifice offert en l’honneur du nom de Jésus à la divine majesté », conception qui ajoute une note de piété plus personnelle à l’antique conception du sacrifice. — Prenons aujourd’hui de nouveau la résolution de dire avec respect et piété la conclusion habituelle des oraisons : « par Jésus-Christ Notre Seigneur ».

3. La prière des Heures. Saint Bernard chante, dans les hymnes et les leçons, le Saint Nom de Jésus. « Ce n’est pas en vain que le Saint Esprit compare le nom de l’Époux avec l’huile, en faisant dire par l’Épouse à l’Époux : Ton nom est comme une huile répandue. Car l’huile nous donne lumière, nourriture et onction, elle est une lumière, un aliment et un remède. Or voici que tout ceci s’applique au nom de l’Époux… Est-ce que Dieu ne nous a pas, dans la lumière de ce nom, appelés à sa lumière merveilleuse, Si bien que saint Paul dit : vous étiez auparavant ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur ? Le nom de Jésus est aussi un aliment. N’es-tu pas réconforté toutes les fois que tu y penses ? Tout aliment de l’âme est sec qui n’est pas assaisonné de ce condiment. Jésus est un miel dans la bouche, une douce mélodie dans l’oreille, un délice dans le cœur. C’est aussi un remède. Quelqu’un est-il triste, que Jésus vienne dans son cœur et monte à ses lèvres et voici que, dès que s’est levée la lumière de son nom, tous les nuages disparaissent et la sérénité revient. » -Lecture d’Écriture (Act. Ap. chap.III et IV) : la guérison du paralytique est racontée tout au long.

4. Le monogramme du Christ. Dans les conceptions des anciens, le nom était une expression de la personne. Cela nous explique que, dans l’art chrétien antique, pour désigner la personne du Seigneur, on employait son nom, mais sous la forme abrégée des initiales. Nous pouvons, dans l’art de la primitive Église, distinguer les signes suivants du nom du Seigneur.

a) Le signe du Christ. Les plus anciens monuments attestant ce signe sont du troisième siècle ; le premier portant une date précise est une inscription funéraire sur la tombe d’un consul de l’an 389. Au troisième siècle, on peut établir les formes suivantes 1. des lettres séparées, IX (Jesus Christus), 2. des lettres placées l’une sur l’autre >I< = Jesus Christus. Dans l’archéologie, on appelle d’ordinaire ce signe le monogramme préconstantinien. = Christus est le monogramme constantinien. (Cela veut simplement dire que le premier est plus fréquent et que le second se rencontre après l’empereur Constantin). 3. La croix monogrammatique. Lorsque Constantin, après sa victoire au pont Milvius, plaça le monogramme du Christ sur les enseignes de l’armée (labarum), sur les casques et les monnaies, il utilisa un signe déjà courant chez les chrétiens. Cependant la vision de l’empereur avec cette promesse : « In hoc signo vinces » et l’accomplissement brillant de cette promesse élevèrent désormais ce signe jusqu’à en faire un symbole du triomphe du Christ. Depuis la victoire du christianisme, il trouva une large diffusion dans tous les pays et fut employé de mainte façon. Ce ne fut plus seulement une simple abréviation, mais un symbole indépendant du Christ-Roi. Souvent le monogramme du Christ (tel qu’il était sur le labarum) fut entouré d’une couronne de laurier ou d’un cercle. Cela signifiait la souveraineté du Christ sur le monde ou le triomphe du Christ sur les ennemis de son royaume. Le monogramme reçut alors les formes les plus diverses et on y ajouta une riche ornementation. On aima placer autour du signe ou de la croix monogrammatique l’alpha et l’oméga (expression de l’éternité et de la divinité du Christ). b) Le signe du nom de Jésus. Le monogramme connu IHS est un symbole qui parmi un très petit nombre, est resté en usage jusqu’à nos jours. Il doit sa grande diffusion à saint Bernardin de Sienne, qui le fit placer sur ses étendards, entouré de douze rayons de soleil et surmonté d’une couronne. Depuis, ce signe est devenu le monogramme préféré du doux nom de Jésus. Saint Bernardin, par ses exhortations zélées, détermina plusieurs prêtres à placer ce monogramme sur les autels ou à le faire broder sur les aubes ou les chasubles. Sur ses conseils, plusieurs villes d’Italie inscrivirent ce monogramme en lettres gigantesques sur les murs extérieurs de leurs hôtels de ville, comme on peut encore le voir à Sienne. Quelle est l’origine de ce monogramme ? IHC est l’abréviation du grec IHZOUC. IHS est l’abréviation du latin IHESVS (forme du moyen âge). Comme on ne pouvait plus comprendre H comme un éta (è) grec, on dut ajouter un H. C est l’ancienne écriture du s grec (sigma). Dans l’antiquité chrétienne, ce monogramme n’est pas fréquent et ne doit pas remonter au-delà du Ve siècle.

Plus tard, on a mal traduit IHS en l’interprétant comme : Jesus hominum Salvator, ou bien même Jesu humilis societas (ce qui l’a fait prendre comme symbole par l’Ordre des Jésuites). On aimait encore beaucoup cette interprétation : In Hoc Signo (sc. vinces). Du v (vinces) ajouté on fit plus tard trois aiguilles.

c) Ichthus. L’ancienne Église connaissait aussi une anagramme très aimé pour désigner le Seigneur ; le fameux Ichthus. Le titre complet du Christ se formulait ainsi en grec : Jesous Christos, Theou Uios, Soter — Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Les premières lettres de ces saints mots donnent le mot grec : Ichthus, c’est-à-dire poisson. C’est la raison pour laquelle on aimait à représenter le Christ sous la forme d’un poisson. Ainsi l’abréviation aussi bien que la figure fut pour les premiers chrétiens une désignation secrète du Christ. Ils nommaient même le Seigneur « le grand et pur poisson » (Inscription funéraire d’Aberkios, vers 180 après J.-C.). Tertullien suppose connu ce symbolisme du poisson (vers 200 après J.-C.), quand il écrit : « Nous (les chrétiens), à l’exemple de notre Ichthus, Jésus-Christ, nous sommes nés dans l’eau comme de petits poissons » (Du baptême, chap. 1).

d) Monogramme en forme de croix. Déjà, dans le signe abrégé du Christ, on pouvait voir un effort pour unir la croix au nom du Christ. La croix et le nom du Christ sont considérés comme des signes de la Rédemption : mais encore comme une protection contre les attaques du démon. C’est pourquoi on avait coutume de peindre sur les portes et les maisons le monogramme de Jésus en lui donnant une forme de croix. Un des exemples les plus connus jusqu’ici est la disposition en forme de croix des deux mots phôs et zôê (lumière et vie) qui caractérisent le Christ lui-même dans saint Jean (VIII, 12 ; XI, 25). Le Christ est lumière et vie. Le Christ nous donne la lumière et la vie divines. La lumière et la vie, la liturgie souhaite, implore et communique ces deux biens pour les vivants et pour les morts. Nous pouvons dès lors comprendre que l’union en forme de croix de ces deux mots lumière et vie, fut, pour J’ancienne Église, un symbole parlant très aimé. On les rencontre sur les portes (Syrie), sur les tombeaux, mais aussi sur les ampoules, les petites lampes en terre cuite, les ustensiles domestiques. »

[1] Nous empruntons la traduction de ce beau fragment, dont l’Église a inséré une partie dans l’Office du saint Nom de Jésus, aux Méditations sur la Vie de Notre-Seigneur,par saint Bonaventure, traduites par le R. P. Dom François Le Bannier.

Source Introibo