31 juillet… 1944 : mort d’Antoine de Saint-Exupéry, aviateur et écrivain français

L’aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry, 44 ans, disparaît ce jour-là au cours d’une mission de reconnaissance sur le sud de la France. Résistant de la première heure, il avait rejoint la peu gaulliste Armée d’Afrique (dirigée par le général Giraud).
Les conditions de sa disparition restent obscures : attaque d’un chasseur allemand, panne de moteur… ?
Des morceaux de son appareil ont été retrouvés en 2000 et formellement identifiés le 7 avril 2004.

Saint-Exupéry laisse derrière lui de nombreux ouvrages relatifs à sa quête de vérité et au sens des actions de l’homme, entre autres : L’Aviateur, Courrier sud, Vol de nuit, Terre des hommes, Pilote de guerre, Le Petit Prince (l’un des livres français les plus lus au monde), Citadelle, et un ouvrage posthume : Écrits de guerre, 1939-1944, dont voici quelques extraits peu historiquement (gaullistement) corrects :

« Dites la vérité, Général, la France a perdu la guerre, mais ses alliés la gagneront. » (p. 208)

Saint-Exupéry s’élève contre ceux qu’il appelle « les embusqués de New York » ou « les super patriotes d’outre-mer », « les super patriotes en chambre ». Les organisations militantes de la colonie française de New York, à laquelle appartient notamment Jacques Maritain, le pressent de rallier Charles De Gaulle. Il refuse et s’en explique :

« Je l’aurais suivi avec joie contre les Allemands, je ne pouvais le faire contre les Français », (Écrits de guerre, p. 173)

« il me semblait qu’un Français à l’étranger devait se faire témoin à décharge et non à charge de son pays » (Écrits de guerre, p. 286)

« Si je n’étais pas gaulliste à New York, c’est que leur politique de haine n’était point pour moi la vérité » (Écrits de guerre, p. 269).

À Alger, Saint-Ex a retrouvé « la bande des crabes qui ne savent que haïr » (EG, p. 361). Non seulement De Gaulle a refusé de le recevoir, mais ses ouvrages dont Le Petit Prince sont interdits. Il fait part de ses sentiments à Michel Poniatowski :

« Je suis heureux, je pars […] Ici à Alger, c’est la putréfaction. Parce que j’ai prêché la réconciliation entre les Français et l’unité des résistants, je suis en butte à la hargne du Parti gaulliste. […] Sors d’ici, engage-toi, choisis une bonne unité, bats-toi, c’est propre, c’est net, laisse-les ici à leur fange. » (M. Poniatowski, Mémoires, tome 1, p. 122).

A Oujda, le 8 juin 1943 :
«J’ai eu raison, je crois, dans tout ce que j’ai pensé depuis deux ans sur les affaires de mon pays. Je n’aime pas plus aujourd’hui le général De Gaulle. C’est ça, la menace de dictature. C’est ça, le national-socialisme. Je n’aime pas la dictature, la haine politique, le credo du parti unique. Quand le national-socialisme meurt ailleurs, ce n’est vraiment pas raisonnable de le réinventer pour la France. Je suis très impressionné par cette bande de fous. Leur appétit de massacre entre Français, leurs souhaits en ce qui concerne la politique d’après-guerre (bloc européen) conduira une France aussi affaiblie que l’Espagne à ne plus être qu’un satellite de la Russie ou de l’Allemagne. Ce n’est pas dans cette direction que loge pour moi la vérité. » (Écrits de guerre p. 272-273)

Lettre au lieutenant Diomède Catroux (Tunis, été 1943) :
« Je hais pour des raisons profondes le mythe de l’épuration. […] Sont mes frères, non ceux qui ont raisonné comme moi, mais ceux qui ont « aimé » comme moi. En rendant à « amour » son vieux sens de « contemplation par l’esprit. »

Je suis peu clair, bien sûr, mais connais bien ce que je cherche à dire. Et je sais bien quels hommes me sont respirables, et quels hommes me font étouffer. Et ça m’a aéré de rencontrer quelques hommes comme vous dans cette sordide Afrique du Nord. » (Écrits de guerre p. 294, 296)

« Mais ce n’est certes pas dans Paris-Soir que je puis trouver la paix spirituelle. Ni chez M. Ramon Fernandez. Ni dans cette ignoble radio. J’ai écouté, hier, Pierre Dac avec stupeur. Si j’étais étranger, ayant écouté la France rayonner ces ordures-la, je me dirais qu’il est urgent de nettoyer le monde d’une telle bassesse. […] Ce pays est foutu, si on ne lui trouve pas de claires raisons de se battre. […] Rien, visiblement, ne l’illumine. Pas étonnant qu’on soit à la remorque des Anglais : nous ne savons pas nous formuler. Nous ne savons pas prendre visage. » (Lettre à X., Orconte, fin décembre 1943, Écrits de guerre, p. 48-49)

« Je continue de penser que le salut de mon pays ne réside point dans une épuration sanglante par les fanatiques du « parti unique ». » (EG p. 286)

« Comment se solidariser avec des personnes qui, systématiquement, dénigraient tout ce qui se passait en France, acceptant de gaieté de cœur la mort des enfants de France, plutôt que de voir se relâcher le blocus britannique et qui, lorsque la victoire se rapprochait, ne rêvaient que fusillades et épuration ? Comment faire corps avec ces pharisiens d’un nouveau genre qui ne cessaient de proclamer leur pureté en accablant les autres de tous les péchés du monde ? » (Souvenirs du Professeur Léon Wencelius, Écrits de guerre, p. 146)

« Ces gens-la [les politiciens d’Alger] se détestent entre eux plus qu’ils ne détestent les Boches. » (À Raymond Aron ; Écrits de guerre p. 321)