Système Macron : violence et Etat de droit à géométrie variable

Régis de Castelnau, célèbre avocat de gauche, revient sur la répression judiciaire dont font l’objet les participants au mouvement des gilets jaunes :

« Le problème de la répression du mouvement des gilets jaunes n’est pas un problème d’application de la loi. C’est un problème d’utilisation de la violence d’État pour s’opposer à un mouvement social. Les motivations d’Emmanuel Macron, d’Édouard Philippe ou de Nicole Belloubet n’ont rien à voir avec la volonté de faire appliquer la loi dont ils sont tout à fait capable de se moquer comme d’une guigne. Le choix de la répression est une décision politique et entendre les gens du pouvoir parler « d’État de droit » est simplement une plaisanterie. Juste un exemple, la loi interdit désormais que le ministère de la justice donne des instructions individuelles au parquet. Eh bien croyez-moi, que ce soit depuis Matignon ou depuis la place Vendôme ces injonctions sont tombées comme à Gravelotte. Par téléphone bien sûr…

3/ La plupart des gilets jaunes arrêtés ne sont pas des délinquants acharnés. Cela veut-il dire que les plus acharnés réussissent de toute façon à s’en sortir ? Une telle situation ne risque-t-elle pas de dégénérer si le pouvoir ne donne pas des signes d’équité ? La situation ne pourrait-elle pas devenir ingérable ?

D’après les informations dont on peut disposer, les gilets jaunes incarcérés avaient massivement des casiers judiciaires vierges. Il vaut mieux en effet brûler des voitures en banlieue que se faire prendre en gilets jaunes avec des lunettes de piscine à l’occasion d’une manifestation. Évidemment que la partialité avec laquelle l’État, que ce soit par l’intermédiaire de sa police ou d’une magistrature docile, traite ce mouvement va générer des sentiments d’injustice et de frustration. Et comme dans le même temps d’une façon passablement stupéfiante les amis du pouvoir bénéficient d’une complaisance judiciaire étonnante… Alexandre Benalla, François Bayrou, Richard Ferrand, Muriel Pénicaud pour ne s’en tenir qu’à ceux-là, malgré des infractions évidentes et avérées sont tout à fait tranquilles alors même qu’on embastille des gilets jaunes par centaines, l’exaspération est devenue rage.

J’ai pu constater que dans le monde politique, dans la presse et sur les réseaux la perception de cette orientation répressive était perçue comme une radicalisation dangereuse. De ce point de vue, les vœux d’Emmanuel Macron, ressemblaient plus à un discours de chef de bande qu’à celui rassembleur qu’aurait dû faire un président de la république.

4/ L’autre versant du mécontentement pourrait aussi trouver sans source dans une relative impunité de la classe politique. Un autre deux poids deux mesures ?

C’est la question que j’abordais ci-dessus, où l’on est contraint de constater que c’est spécifiquement Emmanuel Macron et son entourage qui bénéficient d’une incontestable complaisance judiciaire. Il ne faut pas se tromper, quand il a été nécessaire de condamner des politiques, la justice a fait son travail quoique parfois lentement. Mais depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron c’est une véritable protection dont celui-ci et son entourage bénéficient. Il y a d’abord eu les problèmes posés par le financement de sa campagne, l’opacité de l’origine de certaines contributions, l’utilisation de fonds publics à des fins électorales lorsqu’il était au ministère de l’économie, ensuite les quelques enquêtes préliminaires ouvertes sont toutes enlisées : Collomb, Bayrou. Quand contraints et forcés, ont saisi un juge d’instruction est saisi, il est prestement déchargé du dossier comme dans l’affaire Ferrand. Il y a bien évidemment l’affaire de Las Vegas et ses ramifications concernant l’agence Havas où à l’évidence Madame Pénicaud aurait dû être poursuivie, le refus par le parquet d’enquêter sur la disparition du coffre de Benalla, etc. etc. Et pendant le même temps, le Rassemblement National fait l’objet d’un acharnement judiciaire allant jusqu’à lui saisir ses dotations d’État sans qu’aucune décision n’ait été rendue sur le fond et voit convoquer sa présidente chez un psychiatre ! La France insoumise quant à elle, a eu droit à une perquisition géante à grand spectacle, mobilisant près de 100 policiers et 7 magistrats dans ses locaux et dans les appartements de ses dirigeants. Et on peut être sûr que cette instrumentalisation va durer au rythme des échéances politiques.

Le deux poids deux mesures dont vous parlez, et qui est ressenti comme tel, n’est pas entre les politiques en général et les gens d’en bas, mais bien dans la protection dont bénéficie l’équipe au pouvoir et la volonté de ne traiter le mouvement social des gilets jaunes par le biais de la violence d’État. »

Source : Vu du droit