Ce que combat l’armée à Alep, et ailleurs…

Lu sur Infosyrie :
Si l’on en croit l’OSDH, les insurgés ont attaqué cette nuit (de lundi à mardi) le siège du tribunal militaire d’Alep, un poste de police et du local du parti Bas dans le quartier de Salhine. Des combats seraient également intervenus, selon la même source pro-ASL, dans les parages du bâtiment des services de renseignements de l’armée de l’Air.
Salaheddine & Anadan
On notera que l’OSDH ne parle pas  de l’éventuelle prise de des différents objectifs. Un groupe local de l’opposition radicale, la « Commission générale de la révolution syrienne« , prétend que le quartier de Salaheddine, principal point d’appui ASL dont l’armée avait revendiqué la reconquête hier matin, avait été mitraillé ce matin encore par des hélicoptères, et que les rebelles en contrôlent toujours la majeure partie. Mais inventer des succès et nier des échecs, c’est le mode opératoire habituel de la communication opposante. Sinon l’OSDH parle encore de bombardements, cette nuit, des quartiers de Ferdous, d’al-Machad et d’Ansari, qui tous se situent dans le sud et le sud-ouest d’Alep..
Sana, dans son édition du 30 juillet, rend compte de la destruction de quatre véhicules 4×4 équipés de mitrailleuses lourdes et de l’annihilation de leurs équipages. Et de l’interception, dans le secteur d’Oram al-Kubra, dans les environs de la ville, d’un camion chargé d’explosifs et de détonateurs.
On n’a pas de nouvelles de la petite ville d’Anadan, située à une dizaine de kilomètres au nord-ouest d’Alep sur la route menant à la frontière turque, et dont l’ASL a revendiqué la prise hier. Il ne s’agit pas vraiment, en tous cas, de cette « base stratégique » ou de ce « verrou » qu’ont évoqué par psittacisme les chaînes françaises, loin de là. Et sa prise par l’ASL n’a rien d’une victoire à la Stalingrad : à Anadan il y avait tout au plus une petite base de soutien et d’appuis feu, avec pour unique garnison une petite unité de réserve – une trentaine d’hommes – de l’armée syrienne, avec de vieux t-55 utilisés comme artillerie autopropulsé.
D’après ce que l’on sait, cette trentaine de réservistes, complètement encerclés, ont résisté héroïquement pendant dix heures aux assauts de forces de l’ASL dix fois supérieures en nombre. Cinq réservistes ont été tués dans ces combats et les autres, plus ou moins blessés, ont fini par se rendre. On peut s’étonner qu’ils n’aient pas été secourus par l’armée toute proche, et l’on peut s’inquiéter quant au sort des prisonniers. Mais il n’est pas douteux que les insurgés ne conserveront pas longtemps leur « verrou« , l’armée étant présente en force à faible distance d’Anadan.
Bref, les combats se poursuivent et, quoi qu’ils prétendent, les rebelles sont toujours bloqués dans les quelques quartiers, ou bouts de quartiers, qu’ils contrôlent, et l’armée, lentement mais sûrement, resserre l’étau.
Derrière les sourires de l’ASL les tribunaux islamistes d’exception
Il est bon de rappeler, suite aux opérations de relations publiques de l’ASL réalisées par les correspondant du Figaro et du Monde à Alep, quel genre d’individus affronte l’armée syrienne. On a déjà évoqué ici la brigade salafo-wahhabite, Liwaa al-Tawhid, Dans la vidéo ci-dessous, on voit ses affiliés installer dans une école d’Alep sous leur contrôle un tribunal religieux, tout comme en Afghanistan et Somalie. Et ce sont des Alépins, suspectés d’opposition à la « révolution », qui y sont « déférés ». Une justice, comme on s’en doute, de « tribunaux d’exception » : toute personne ne partageant pas leurs idées est considérée chabiha, et la sentence est sévère et immédiatement exécutoire. Un certain nombre d »habitants de Homs l’ont vérifié à leurs dépens entre l’été 2011 et le mis de février 2012… (merci à Cécilia).
C’est bien un système de terreur politico-religieuse qu’instaurent, partout où ils le peuvent, les rebelles qu’un Adrien Jaulmes ou une Florence Aubenas nous présentent comme de braves jeunes gens en colère. Encore s’agit-il ici de procédure, même parodique, de justice. Combien d’exécutions sommaires à Salaheddine et dans les autres secteurs (provisoirement) « libérés », pour leur malheur, par l’ASL ?
Ce fanatisme, cet obscurantisme politico-religieux qui fleure bon l’Arabie séoudite ou la talibanisme afghan, on en a des démonstrations quotidiennes dans les vidéos réalisés par les groupes armés. Ainsi, dans celle qui suit, ce n’est pas tant ce qu’elle montre – un djihadiste blessé sans doute mortellement et évacué par un de ses camarades – que le commentaire qui fait sens : à la fin de la vidéo, une voix nous dit en effet que Dieu réserve sept récompenses à ses martyrs dont voici la sixième « Et il (le martyr) sera marié à 72 épouses ». Ce chiffre est conforme à un « hadith » – texte religieux – qui promet au »shahid » (martyr) 70 ou 72 « vierges aux yeux noirs« .
Cette interprétation littérale du Coran et des traditions religieuses, cet intégralisme ou intégrisme archaïque et vétilleux, c’est bien la marque de ce salafisme, de ce wahabbisme, de cette idéologie partagée avec des nuances par la dynastie séoudienne ou al-Qaïda, et que les groupes armés, quelle que soit leur affiliation, s’efforcent d’implanter dans un pays certes très majoritairement musulman, mais moderne et dont le laïcisme institutionnel  garantit la coexistence de plusieurs communautés religieuses.
Et c’est bien pourquoi, selon nous, quels que soient les avatars à court terme du combat, cette révolution là n’a aucune chance de vaincre en Syrie : les barbus n’ont pas été accueillis en libérateurs à Damas, ils ne le sont pas d’avantage à Alep. La sociologie de ce pays n’est pas celle, tribale et ultra-traditionaliste, de l’Afghanistan. Et la « révolution » syrienne butera toujours sur cet obstacle-là.
(merci à Bwane)