Carmen Mercer, chef de milice civile américaine

[Article de Laurent Glauzy en exclusivité pour Contre-info]

Dans l’Etat de l’Arizona, des milices citoyennes se sont formées et patrouillent le long de la frontière mexicaine. Habillée d’un pantalon et d’une casquette en toile kaki, Carmen Mercer porte un Colt 45 autour de la taille. Elle a pris position sur la rive d’un fleuve asséché. Chaque jour, des centaines de Latinos franchissent illégalement la frontière, marchant ensuite pendant quatre jours sous une chaleur de 50°C. Les plus chanceux atteindront Tucson et Phoenix où séjournent bien souvent des parents. Ces villes représentent l’espoir d’un travail dans la restauration rapide ou dans une usine.

Une Allemande Présidente des Minutemen

Arrêter ces immigrants « sans papier », telle est la mission de C. Mercer, née Kleinfeller à Bergneustadt dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ayant obtenu la nationalité américaine en 1999 et parlant l’américain avec un léger accent allemand, elle est Présidente du Minuteman Civil Defense Corps. Cette milice civile qui intercepte les clandestins pour les remettre aux autorités, compte en Arizona douze mille membres. Aux Etats-Unis, il y a des dizaines de milices paramilitaires légalisées par la Constitution permettant de porter une arme. C. Mercer explique que lorsqu’elle est arrivée dans ce pays, elle a respecté la loi, attendant son tour, non comme ceux qui la nuit tombée tentent de passer la frontière. Elle ajoute : « Il est vrai que nous sommes une nation d’immigrants ; mais d’immigrants légaux ». En Amérique, elle a « trouvé la nation la plus généreuse. Les habitants sont extraordinaires ; ce sont de grands patriotes. Et pour le paysage nous trouvons les mêmes choses qu’en Allemagne, l’espace et les palmiers en plus. » C’est pourquoi, elle a décidé d’agir et de prendre les armes pour défendre cette Amérique qu’elle aime.

Elle considère « la réforme de la santé comme une initiative socialiste » et déclare que « le Président est né au Kenya et non à Hawaï comme l’atteste ses papiers d’identités falsifiés » (1). Les statistiques officielles rendent compte de douze millions d’immigrés illégaux aux Etats-Unis. C. Mercer n’a aucune confiance en ces chiffres qui peuvent être facilement doublés. La question de l’immigration divise tout autant les Etats-Unis que l’implication de l’Etat sur la santé publique ou à propos du camp de Guantanamo. Les Blancs qui composent la majorité de la population américaine, dans trente ans, seront une minorité parmi les Latinos, les Noirs et les Asiatiques. Nombreux sont alors ceux qui se demandent à quoi ressemblera cette nation. Les Républicains exigent que les 3 140 km de frontières avec le Mexique soient fermées. Ils attendent la construction d’un mur décidé il y a quatre ans par le gouvernement. Les Démocrates militent pour qu’une partie des habitants en situation irrégulière et vivant depuis longtemps aux Etats-Unis soient régularisés. Ils proposent un texte de loi portant sur l’immigration, pour faire des « illégaux » des « légaux ». Une promesse faite par Obama pendant la campagne électorale.

J. Brewer, la courageuse gouverneure de l’Arizona

Au centre du débat, se trouve l’Arizona et ses 580 km de frontières avec le Mexique. Dans cet Etat, les Latinos comptent pour 30 % de la population. A Tucson et Phoenix, les Latinos constituent la moitié de la population et l’espagnol est autant pratiqué que l’anglais. Le 23 avril, Jan Brewer, la gouverneure républicaine de l’Arizona a signé, malgré les nombreuses menaces de mort, la nouvelle loi anti-immigration SB 1070, la plus draconienne jamais adoptée aux Etats-Unis. Très controversée, en cas de « soupçons justifiés », elle donne droit aux policiers de contrôler l’identité et le statut migratoire d’une personne. Ce privilège était jusqu’alors réservé aux services de l’immigration. Et transporter, employer ou donner l’asile à un « sans-papier » deviendra même un délit. Les défenseurs des droits de l’homme parlent de racisme ; ils prétextent que les Latinos en situation régulières peuvent être « incommodés ». Ils appellent au boycott. Pour sa part, le gouvernement mexicain, incapable d’endiguer le développement de groupes mafieux redoutés pour leur extrême violence et qui envahissent les Etats-Unis, préfère protester. Le 6 juillet 2010, le ministère américain de la Justice a déposé une plainte contre cette loi au motif que l’Arizona aurait dépassé son cadre légal ; il aurait empiété sur les affaires fédérales. Or, dans les sondages, comme l’écrit Jim Reeves, 74 % d’Américains soutiennent la loi. C. Mercer rapporte que « c’est la loi que nous attendions depuis toujours ». Car les « illégaux » qui ont échoué, réessayent une nouvelle fois. Certaines associations comme les Humane Borders n’ont donc rien trouver de mieux que de disposer des citernes d’eau dans le désert.

Le soleil du soir empourpre le désert. Cela fait deux heures que C. Mercer monte une garde avec ses amis : Jeff, alias « Almli », surnom d’origine norvégienne. Il scrute l’horizon avec ses jumelles, et Mike Vyne portant une épaisse barbe blanche, a fait le Vietnam chez les Green Berets dans le delta du Mékong. Quand en 1992 C. Mercer a divorcé d’un militaire américain, elle est partie pour Tombstone, où elle réside. Tombstone est une petite ville servant de décor au cinéma hollywoodien pour le tournage de Westerns. Il y a des saloons et des cow-boys. C. Mercer y possède le OK Café. Elle y connut Chris Simcox, son second mari. Il venait de Californie et avait traversé les parcs nationaux du sud. Ils commencèrent à patrouiller ensemble. En 2005, ils fondèrent les Minutemen. Ces trois premières années, 3 500 immigrés illégaux sont tombés entre les mains des milices civiles et beaucoup furent contents après une longue marche d’errance d’avoir été appréhendés. « Grâce à nos provisions d’eau et de nourriture, nous avons sauvé des centaines de vies », souligne C. Mercer qui organise des manœuvres de trente jours. Grâce aux dons des habitants de l’Arizona, ils ont pu installer une clôture utilisée pour le bétail et mesurant plusieurs centaines de mètres. C. Mercer et ses amis ont aussi été invités sur les terres du Ranch King’s Avril où les cartels de la drogue font de la contrebande. Des armes et des ballots de haschich y étaient dissimulés. Pour lutter contre ce fléau, des patrouilles se sont également dotées de drones.

R. Krentz, le vieux rancher assassiné

C. Mercer fait du lobbying à Washington. Elle frappe à la porte des sénateurs pour lutter contre le projet de loi d’amnistie concernant les « illégaux ». Ses revendications sont représentées au sein du Tea party, mouvement populiste partisan du conservatisme fiscal et du « moindre Etat », et dont Sarah Palin est devenue une icône. Ayant tenu sa première convention nationale à Nashville en février 2010, ce mouvement devrait fortement concurrencer le Parti républicain. Chris Simcox est un dirigent charismatique de l’organisation nationale. Il a quitté la milice pour défier McCain, sénateur de l’Arizona au Sénat des Etats-Unis depuis 1987 dans la course à la Maison-Blanche. Le représentant des Républicains avait pris position pour la légalisation des « illégaux ». Luttant à présent pour sa survie politique, il tente de reconquérir le camp conservateur et demande plus de clôtures et davantage de gardes frontières. Il abonde dans le sens de l’opinion conservatrice, car les citoyens du sud des Etats-Unis craignent que les cartels mexicains de la drogue étendent leurs zones d’influence. Le 27 mars, le vieux rancher Robert Krentz a été abattu à proximité d’une des mares de sa propriété de 14 000 hectares. Ce meurtre est la cause de la loi SB 1070.

C. Mercer parle avec le plus grand bien de Joe Arpaio, le « shérif le plus dur des Etats-Unis » qui habille les prisonniers avec des sous-vêtements roses. En Arizona, il est la personnalité la plus haïe des Latinos. Lors de manifestations gigantesques qui se sont déroulées ces dernières semaines contre la loi SB 1070, des affiches le représentaient avec une petite moustache. Pour lui, la loi ne change rien. Lors des contrôles, ses agents ont arrêté des citoyens de nationalité américaine portant un patronyme espagnol. Ils pensaient qu’il était un « sans papier ». Les Latinos peu loquaces sur le comportement de leurs compatriotes, se plaignent en revanche de l’intransigeance de J. Arpaio qui briserait des familles. Le cas d’Almazar est exploité par la propagande de gauche. Elle habite une petite maison dans l’est de la ville ; sa famille vient de Negales au Mexique. Née aux Etats-Unis, elle vit avec un homme qui est arrivé il y a dix ans de Veracruz sur la côte des Caraïbes. Il est un « illégal ». Il avait payé 800 dollars à ses passeurs. Aujourd’hui, les tarifs ont triplé. Il travaillait pour un salaire de misère dans une entreprise de fabriques de cartouches. Mais, accusé d’avoir fait usage d’une carte d’assurance falsifiée, il est menacé d’expulsion et peut écoper d’une peine de dix ans d’interdiction d’entrée sur le territoire américain. Dans cette perspective, sa compagne devra le suivre au Mexique, pays dans lequel ni elle ni ses enfants de sept ans n’ont jamais vécu.

Dans son livre America Defenceless (L’Amérique sans défense) abordant l’histoire contemporaine d’une Amérique qui sombre dans l’anarchie et l’idéologie communiste, C. Mercer affirme n’avoir « aucune pitié pour ces gens-là. (…) Penser que l’on puisse épouser un immigré en situation illégale pour qu’il soit régularisé ; cela ne devrait pas être si facile. Aux Etats-Unis, chaque année, 357 milliards de dollars sont dépensés pour les immigrés  illégaux, alors que nous n’avons pas assez d’argent pour que cette frontière devienne moins poreuse. C’est du délire ! »

Laurent Glauzy
Août 2010

(1) Le 4 août 2010, la chaîne CNN a publié un sondage établissant qu’un quart des Américains croyaient que B. Obama n’était pas né aux Etats-Unis et aurait menti sur son lieu de naissance.

Article tiré de Atlas de géopolitique révisée, tome II

Laurent Glauzy est aussi l’auteur de :
Illuminati. « De l’industrie du Rock à Walt Disney : les arcanes du satanisme ».
Karl Lueger, le maire rebelle de la Vienne impériale
Atlas de géopolitique révisée, tome I
Chine, l’empire de la barbarie
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