Ultra-moderne solitude : La Poste expérimente la fin des tournées du facteur

La destruction du service public se poursuit et la gabegie continue en même temps !
La Poste augmente sans cesse ses tarifs pour un service toujours plus dégradé (avec maintenant la disparition du timbre rouge et des délais rallongés), plus restreint.

d’Arnaud Florac :

« France Info à relayé cette assez triste nouvelle : La Poste va expérimenter, dans plusieurs communes de ce qu’il est convenu d’appeler la France périphérique, la disparition des tournées quotidiennes du facteur. D’un point de vue strictement rationnel, cette disparition, pour le moment expérimentale, rassurons-nous, va de pair avec la suppression, depuis le 1er janvier 2023, du timbre rouge, jadis réservé aux courriers urgents. Il n’y a plus que des timbres verts. Et, donc, moins de facteurs.

Ce changement n’est pas seulement rationnel. Il est aussi – allons-y d’un mot ronflant – ontologique. La lettre est désormais au courriel ce que la nationale est à l’autoroute : d’un côté, il y a le chemin de traverse, la lenteur sympathique, le temps consacré à profiter des choses, à former les lettres comme à la communale sur du beau papier, ou à prendre les virages, la vitre entrouverte sur la campagne en été ; de l’autre, l’ordre de la vitesse, les lignes droites, les fibres optiques, les télépéages et les boîtes saturées d’informations. Georges Pompidou aurait écrit quelque part, en marge d’une note officielle, qu’à côté des autoroutes des Trente Glorieuses, il faudrait laisser de la place aux petites routes et à la flânerie. En tout cas, il s’était ému que l’on abatte les arbres au bord de nos vieilles routes de France. Il aurait sans doute salué la survie de La Poste, pourtant de plus en plus anachronique.

Et les facteurs, alors ? On les supprime ? Dans l’imagerie populaire, le facteur assure le lien social, par exemple avec le chien qui lui mord les mollets ou avec l’épouse volage (qui donne tout naturellement naissance au « fils du facteur »). Il était le prolongement naturel du colporteur d’autrefois, qui donnait des nouvelles, qui en prenait aussi. En certaines occasions, il découvrait même les petits vieux, morts seuls, dans des maisons loin de tout. Il arrivait à vélo, dans le temps, avec le bruit familier de la sonnette, puis en voiture (comme le facteur antillais des Visiteurs, dont la 4L sera massacrée par un Godefroy de Montmirail en grande forme). Aujourd’hui, c’est souvent en triporteur ou en fourgonnette qu’il apporte les colis. Point de camion blanc antédiluvien comme ceux de nombreux livreurs Amazon, point de colis fragile balancé par-dessus le portail ou carrément volé : le facteur est bien élevé et, surtout, il représente, dans les petits villages, une survivance de l’État, bien peu jacobin quand il s’agit de lien social.

Yves Montand ne pourrait plus faire la course à bicyclette avec la fille du facteur. L’expérience sera un succès, on l’étendra à tous les jours de la semaine. Puis on n’enverra plus de lettres. Et chacune et chacun, toutes et tous, enfermé.e.s dans l’ultra-moderne solitude que chanta Alain Souchon, mourra seul dans sa petite bulle. Peut-être créera-t-on, pour recycler les postiers, selon une tradition tenace de ce gouvernement, un numéro gratuit pour faire passer la mesurette. Souhaitons seulement que, pour une fois, il ne soit pas vert mais jaune. Ce sera toujours ça. »

Source BVoltaire