L’avocat des parents de Vincent Lambert dénonce une « prise d’otage »

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Un très intéressant entretien avec Maître Jérôme Triomphe, avocat des parents de Vincent Lambert, réalisé par Adélaïde Pouchol pour l’Homme Nouveau.

Vincent Lambert est hospitalisé au CHU de Reims où il ne bénéficie pas des soins dont il aurait besoin. Ses parents voudraient le faire transférer dans un autre établissement mais on le leur a refusé jusqu’à présent. Pourquoi ?
Vincent Lambert est aujourd’hui pris en otage par le CHU de Reims qui se comporte comme s’il était propriétaire de son patient. Le Code de la Santé publique prévoit pourtant le principe fondamental du libre choix de l’établissement de santé et du praticien. Le CHU de Reims est donc dans l’illégalité la plus complète. En fait, Rachel, l’épouse de Vincent Lambert, veut le faire mourir, conformément à la décision du Dr Kariger. Le garder dans un établissement dans lequel, par deux fois, on a tenté de le faire mourir, dans l’attente de la décision de la CEDH était et est non seulement contraire au droit mais totalement inhumain. Cela fait maintenant deux ans que nous demandons le transfert de Vincent, qui nous a été refusé par le docteur Kariger, au motif que Rachel était à son chevet tous les jours. Or, depuis deux ans, Rachel a refait sa vie en Belgique. Ce sont les parents de Vincent qui sont quotidiennement à ses côtés plusieurs heures chaque après-midi ! La loi ne prévoit pas de hiérarchie. Entre une épouse qui a manifesté qu’elle entendait refaire sa vie loin de son mari, et des parents qui sont tous les jours à ses côtés, ce sont évidemment les parents qui sont légitimes à faire respecter le principe du libre choix de l’établissement de santé.

Vous dites que Vincent Lambert est retenu en otage, c’est-à-dire ?
Depuis la décision du 14 janvier 2014 qui lui a sauvé la vie, Vincent est retenu prisonnier, enfermé à clé dans sa chambre ! Ses parents, pour venir le visiter, doivent laisser leur carte d’identité aux infirmières, lesquelles viennent constater l’état de Vincent avant et après la visite ! Ce sont elles qui ouvrent la porte de la chambre, laquelle est sous surveillance vidéo. Oui, Vincent est retenu dans un univers carcéral… Pour le protéger de fanatiques qui voudraient le tuer, oui ! Mais il n’y a pas à le protéger de ses parents ! Vincent n’a même pas droit au fauteuil sur mesure que requiert son état et qui permettrait de le sortir de son lit. Il ne peut pas être promené dans les couloirs ou les jardins du CHU parce que le corps médical a peur que ses parents le confient à un autre établissement ou le prennent chez eux ! À vrai dire, Vincent est même traité moins bien que les prisonniers qui ont droit à leur heure quotidienne de promenade et doivent pouvoir bénéficier des soins de kinésithérapie pour ceux qui en ont besoin. C’est ignoble.

Pourquoi Vincent ne bénéficie-t-il pas de soins de kinésithérapie ?
Ces soins, pourtant élémentaires, ont été arrêtés en octobre 2012 par le docteur Kariger, sous prétexte qu’ils n’amélioreraient en rien l’état… neurologique de Vincent ! Alors qu’il s’agit de soins de confort ! On refuse donc à ce dernier les soins de base mais, en refusant son transfert, on le laisse sous la responsabilité de personnes qui veulent sa mort, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous avons donc rédigé une nouvelle requête aux fins de transfert de 34 pages, très motivée en droit et en faits, dans laquelle nous exposons notamment le fait que le CHU n’est pas propriétaire de Vincent Lambert, qu’il y a une rupture de confiance évidente dès lors que l’hôpital ne lui prodigue plus de soins et veut le tuer et en réclamant le transfert au nom des principes rappelés ci-dessus, étant rappelé qu’une unité de vie spécialisée dirigée par le Dr Bernard Jeanblanc l’attend à Strasbourg.

Vous attendiez-vous à la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) validant la décision d’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation de Vincent Lambert ?
J’étais pessimiste mais je ne m’attendais pas à ce que la décision soit justifiée de façon aussi odieuse. Je m’attendais au moins à un peu plus de finesse et au minimum à une reconnaissance de l’une ou l’autre violation de la convention. Mais cette décision brutale constitue une abominable monstruosité. Outre que cela ne pose aucun problème aux 12 juges que l’on puisse provoquer la mort d’un homme de faim et de soif, les parents sont déclarés irrecevables à défendre leur fils sans défense !  Les 12 juges qui ont voté la mort ont fait perdre tout crédit à la CEDH, elle n’est plus qu’une commission européenne des droits des hommes en bonne santé. Je le dis avec d’ailleurs les cinq juges qui se sont insurgés contre cette décision validant la mise à mort de Vincent Lambert : la CEDH a perdu tout droit de se définir comme elle le fait comme la « conscience de l’Europe ». Une telle insurrection aussi spectaculaire de juges dissidents est une première !

Juste après la décision de la CEDH, une vidéo a tourné, où l’on voit Vincent Lambert qui réagit à la visite de l’un de ses amis et à l’appel téléphonique de sa mère. Beaucoup crient au scandale et il en est aussi pour dire que les réactions de Vincent ne sont en fait que des réflexes neurologiques dus à son état. Vincent est-il bien vivant ?
Ce qui apparaît sur cette vidéo, c’est le même Vincent que j’ai rencontré. Ceux qui disent que les réactions – si infimes soient-elles – de Vincent ne sont que des réflexes sont ceux qui veulent sa mort. Lorsque l’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage… Cette vidéo affole tous ceux qui veulent laisser croire à l’opinion publique que Vincent est un « légume » maintenu artificiellement en vie par des machines qui serait en acharnement thérapeutique. Ça a parfaitement fonctionné jusqu’à mercredi 10 juin.
Car, c’est toute la perfidie du terme « végétatif ». Les spécialistes récusent ce terme et appellent ces états : « état d’éveil sans réponse ». Ce ne sont pas des états d’absence de conscience mais d’absence de manifestation de conscience, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de conscience. Ces états sont d’ailleurs fluctuants et la frontière est mince entre l’état pauci-relationnel et l’état d’éveil sans réponse. Au demeurant, le Professeur Steven Laureys qui est le spécialiste mondial de ces états a calculé qu’il existait 41 % de patients diagnostiqués par erreur en état « végétatif-d’éveil sans réponse » ! Et l’on sait bien que plusieurs personnes en état pauci-relationnel ou « végétatif-d’éveil sans réponse » en sont sorties des années plus tard et recommuniquent en faisant part de leur joie d’être en vie (Rom Houben après dix-neuf ans, Terry Wallis après vingt-trois ans, Nassim chez le Dr Jeanblanc après quinze ans). Ces cas sont rares, certes, mais ils existent. D’ailleurs, les parents de Vincent qui passent de longues heures à ses côtés tous les jours voient quand leur fils est présent et réagit, ce que sont incapables de voir ceux qui ne passent le voir que quelques minutes. Il faut passer du temps avec lui.
Encore une fois, laisser voir Vincent tel qu’il est fait peur à ceux qui veulent le tuer. Le Dr Devalois, médecin en soins palliatifs (sic) venu assister le Dr Kariger dans la mascarade de procédure collégiale (tout était décidé par avance et annoncé dans la presse, ce qui n’a posé aucun problème au Conseil d’État ni à la CEDH), avait refusé d’aller voir Vincent Lambert pour que cela ne pollue pas sa décision ! Il décide de la mort d’un homme qu’il n’est même pas allé visiter. Et il se répand ces derniers jours en parlant de Vincent qu’il ne connaît pas.

Lorsque la vidéo a été diffusée, j’ai eu le matin plusieurs journalistes au téléphone, complètement retournés par ce qu’ils avaient vu et qui disaient « on ne savait pas qu’il était en réalité aussi présent ». Mais quelques heures plus tard, la classe médiatique avait repris ses esprits et renoué avec la ligne médiatique majoritaire qui domine depuis deux ans : en faveur de « Rachel qui veut laisser partir son mari par amour », contre les « parents intégristes qui défendent la vie à tout prix par idéologie ». Et voyez comment cela s’est passé : au lieu de parler de la vidéo, ils ont justement flouté ce qui était important, et ils se sont interrogés doctement la question de savoir qui étaient ces amis d’enfance de Vincent qui avaient diffusé la vidéo. Ce qui permettait finalement de rattraper leur premier mouvement et de ne plus parler de la vidéo et donc de Vincent. C’est juste abject.