Bataille de Kobané: «Pour la Turquie, Daesh n’est pas un ennemi»

Et ce ne ce n’est pas une « théorie complotiste » mais tout ce qu’il y a de plus officiel.

Entretien avec Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).

Où se situe l’intérêt de la Turquie dans cette bataille de Kobané?

Le président Erdogan a aujourd’hui deux véritables fixations: renverser Bachar al-Assad à tout prix et empêcher la montée en puissance des Kurdes en Turquie, mais aussi en Syrie et en Irak. La Turquie a échoué à s’opposer à l’autonomisation d’un Kurdistan irakien et refuse de voir la même chose se passer pour les Kurdes de Syrie et de Turquie, où ils représentent tout de même 20% de la population.

Quelles relations entretiennent la Turquie et Daesh?

Même s’il ne le dit pas clairement, Erdogan, qui est membre du bureau international des Frères musulmans, adhère à l’idéologie islamiste. Pour lui, l’organisation de l’Etat islamique n’est pas un ennemi. Par ailleurs, le trafic de Daesh enrichit les mafias turques. Jusque-là, les Kurdes de Kobané demandaient un droit de passage pour le pétrole des djihadistes. S’ils disparaissent, Daesh comme la Turquie sont gagnants. De son côté, l’organisation de l’Etat islamique n’a jamais menacé la Turquie, à l’inverse de la Jordanie ou de l’Arabie saoudite.

La Turquie peut-elle être considérée comme un ennemi de la coalition?

Elle est en tout cas en totale contradiction avec la politique de la coalition et avec l’Otan, dont elle est pourtant membre. Quand l’Occident refuse de négocier avec les djihadistes, la Turquie n’a, elle, pas hésité à échanger des petits chefs de Daesh contre des otages turcs kidnappés au consulat de Mossoul. Pour changer le rapport de forces, il faudrait que les Occidentaux utilisent les moyens de pression à leur disposition. Mais personne ne montre la moindre volonté de le faire.

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