Messe du Dimanche dans l’Octave de la Nativité (textes et commentaires)

Nous vous proposons une présentation des textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel, tel que le connaissaient nos ancêtres).

« « Nul n’est esclave, mais fils, et s’il est fils il est aussi héritier, par la grâce de Dieu » (Ép.). Voilà toute la portée de la venue du Christ en ce monde, dans le silence de la nuit où nous étions plongés (Intr.).
Reste à accueillir dans notre vie, comme Siméon et Anne l’ont accueilli dans le Temple, celui que chacun, pour son salut ou pour sa perte, accueille ou rejette, véritable « signe de contradiction » (Év.). »

Dom G. Lefebvre


COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER

(dans l’Année liturgiquedisponible ici avec ses autres livres) :

« Nous avons démontré plus haut que la Nativité du Sauveur s’est opérée le jour du Dimanche, qui est celui où Dieu créa la lumière. Ce sera aussi le Dimanche que nous verrons le Christ ressusciter. Ce premier jour de la création, qui est, en même temps, le premier jour de la semaine, était consacré au Soleil chez les peuples anciens ; il est devenu sacré à jamais par le double lever du Soleil de justice : Noël et Pâques le réclament tour à tour.
Mais, pour des raisons particulières que nous avons exposées, si Pâques est toujours célébré le Dimanche, Noël doit sanctifier successivement tous les jours de la semaine. Toutefois, le mystère de la divine Naissance est mieux exprimé dans les années où son glorieux anniversaire tombe le Dimanche ; dans les autres où cette coïncidence n’a pas lieu, les fidèles doivent du moins un honneur particulier à celui des jours de l’Octave qui se trouve dévolu à la célébration expresse du Dimanche. La sainte Église a décoré celui-ci d’une Messe et d’un Office particuliers, que nous allons reproduire ici, pour l’usage des fidèles.

A LA MESSE.

Ce fut au milieu de la nuit que le Seigneur délivra son peuple de la captivité, par le Passage de son Ange, armé du glaive, sur la terre des Égyptiens ; c’est pareillement au sein du silence nocturne que l’Ange du grand Conseil est descendu de son trône royal, pour apporter la miséricorde sur la terre. Il est juste que l’Église, célébrant ce dernier Passage, chante l’Emmanuel, revêtu de force et de beauté, qui vient prendre possession de son Empire.

Introït (Sag. 18, 14-15) :
Tandis que tout reposait dans le silence, et que la nuit, dans sa course, était au milieu de son chemin, votre parole toute-puissante, Seigneur, vint des cieux du trône royal.
(Ps 92, 1) Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force.
V/.Glória Patri.

La sainte Église demande, dans la Collecte, d’être dirigée par la règle souveraine qui a apparu dans notre divin Soleil de justice, afin d’éclairer et de conduire tous nos pas dans la voie des bonnes œuvres.

Collecte :
Dieu tout-puissant et éternel, imprimez à nos actes une direction conforme à votre bon plaisir, afin qu’au nom de votre Fils bien-aimé, nous méritions de produire en abondance les fruits des bonnes œuvres.

ÉPÎTRE.
Lecture de l’Epître de Saint Paul Apôtre aux Galates (4, 1-7) :
Mes frères : Aussi longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, quoiqu’il soit le maître de tout ; mais il est soumis à des tuteurs et à des curateurs jusqu’au temps marqué par le père. De même, nous aussi, quand nous étions enfants, nous étions sous l’esclavage des rudiments du monde. Mais lorsque est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, né sous la Loi, pour affranchir ceux qui sont sous la Loi, afin de nous conférer l’adoption. Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père ! Ainsi tu n’es plus esclave, tu es fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier grâce à Dieu.

L’enfant, né de Marie, couché dans la crèche de Bethléhem, élève sa faible voix vers le Père des siècles, et il l’appelle mon Père ! Il se tourne vers nous, et il nous appelle mes Frères ! Nous pouvons donc aussi, en nous adressant à son Père éternel, le nommer notre Père. Tel est le mystère de l’adoption divine, déclarée en ces jours. Toutes choses sont changées au ciel et sur la terre : Dieu n’a plus seulement un Fils, mais plusieurs fils ; nous ne sommes plus désormais, en sa présence, des créatures qu’il a tirées du néant, mais des enfants de sa tendresse. Le ciel n’est plus seulement le trône de sa gloire ; il est devenu notre héritage ; et une part nous y est assurée à côté de celle de notre frère Jésus, fils de Marie, fils d’Ève, fils d’Adam selon l’humanité, comme il est, dans l’unité de personne, Fils de Dieu selon la divinité. Considérons tour à tour l’Enfant béni qui nous a valu tous ces biens, et l’héritage auquel nous avons droit par lui. Que notre esprit s’étonne d’une si haute destinée pour des créatures ; que notre cœur rende grâces pour un bienfait si incompréhensible.

Graduel (Ps 44, 3 et 2) :
Vous surpassez en beauté les enfants des hommes ; la grâce est répandue sur vos lèvres.
V/. De mon cœur a jailli une excellente parole ; c’est que j’adresse mes œuvres à un roi. Ma langue est comme le roseau du scribe qui écrit rapidement.
(Ps 92, 1) Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force. Alléluia.

ÉVANGILE.
Lecture du Saint Evangile selon saint Luc (2, 33-40) :
En ce temps là : Joseph et Marie, la mère de Jésus, étaient dans l’étonnement pour les choses que l’on disait de lui. Et Siméon les bénit, et il dit à Marie, sa mère : « Voici qu’il est placé pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël, et pour être un signe en butte à la contradiction, — vous-même, un glaive transpercera votre âme, — afin que soient révélées les pensées d’un grand nombre de cœurs. » Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanouel, de la tribu d’Aser ; elle était fort avancée en âge, ayant vécu, depuis sa virginité, sept ans avec son mari, et veuve jusqu’à quatre-vingt-quatre ans. Elle ne quittait point le temple, servant Dieu nuit et jour par des jeûnes et des prières. Survenant à cette heure, elle se mit à louer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qui était selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. L’enfant croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

La marche des récits du saint Évangile contraint l’Église à nous présenter déjà le divin Enfant entre les bras de Siméon, qui prophétise à Marie les destinées de l’homme qu’elle amis au jour. Ce cœur de mère, tout inondé des joies d’un si merveilleux enfantement, sent déjà le glaive annoncé par le vieillard du temple. Le fils de ses entrailles ne sera donc, sur la terre, qu’un signe de contradiction ; et le mystère de l’adoption du genre humain ne devra s’accomplir que par l’immolation de cet Enfant devenu un homme. Pour nous, rachetés par ce sang, n’anticipons pas trop sur l’avenir. Nous aurons le temps de le considérer, cet Emmanuel, dans ses labeurs et dans ses souffrances ; aujourd’hui, il nous est permis de ne voir encore que l’Enfant qui nous est né, et de nous réjouir dans sa venue. Écoutons Anne, qui nous parlera de la rédemption d’Israël. Voyons la terre régénérée par l’enfantement de son Sauveur ; admirons et étudions, dans un humble amour, ce Jésus plein de sagesse et de grâce qui vient de naître sous nos yeux.

Pendant l’Offrande, l’Église célèbre le renouvellement merveilleux qui s’opère en ce monde et qui l’arrache à sa ruine ; elle exalte le grand Dieu qui est descendu dans l’étable, sans quitter son trône éternel.

Offertoire (Ps 92, 1-2) :
Dieu a affermi le globe de la terre qui ne sera point ébranlé : votre trône, ô Dieu, est établi depuis longtemps ; vous êtes de toute éternité.

Secrète :
Accordez-nous, Dieu tout-puissant, que ce don mis sous les yeux de votre majesté, nous obtienne la grâce d’une fervente piété et nous acquière la possession de la béatitude éternelle.

Pendant qu’elle distribue la nourriture sacrée aux fidèles, l’Église chante les paroles de l’Ange à Joseph. Elle leur donne cet Enfant, afin qu’ils l’emportent dans leurs cœurs, et leur recommande, de le sauver des embûches que lui tendent ses ennemis. Que le chrétien prenne donc garde qu’il ne lui soit ravi ; par sa vigilance, par ses bonnes œuvres, qu’il anéantisse de plus en plus le péché qui voudrait faire mourir Jésus dans son âme. C’est pourquoi, dans l’Oraison qui vient après, l’Église demande l’extinction de nos vices et l’accomplissement de nos désirs de vertu.

Communion (Matt. 2, 20) :
Prends l’enfant et sa mère, et va dans le pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant sont morts.

Postcommunion :
Faites, ô Seigneur, que par la vertu de ce mystère sacré, nos fautes soient effacées et nos justes désirs accomplis. »

Commentaire du Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

De même que Pâques et la Pentecôte, la sainte fête de Noël avait à Rome son cycle dominical, et, dans les anciennes liste des lectionnaires, ce dimanche était précisément indiqué comme le premier après la Nativité du Seigneur. Il n’y a pas de station désignée, soit parce qu’on l’indiquait peut-être au peuple à mesure que l’occasion s’en présentait, soit encore parce que, en ces dimanches mineurs, on laissait aux prêtres titulaires le soin de célébrer la messe dans leurs propres paroisses, sans que le peuple dût se rendre processionnellement à l’église où le pape officiait.

L’introït provient du livre de la Sagesse (XVIII, 14-15), et se rapporte, au sens littéral, à la venue de l’ange exterminateur, au cœur de la nuit, pour le massacre des premiers-nés des Égyptiens, oppresseurs du peuple d’Israël. « Tandis que tout était plongé dans un profond sommeil, et que la nuit était au milieu de son cours, votre Verbe tout-puissant descendit de sa demeure éthérée de gloire. » On y ajoute le psaume 92 : « Le Seigneur a inauguré son règne, il s’est revêtu de gloire, il s’est fait comme un manteau de force et s’en est orné. »

L’ange exterminateur épargna les maisons des Hébreux sur les portes desquelles avait été répandu le sang de l’agneau pascal. Ce divin messager, ministre de la justice de Dieu pour les uns et sauveur bienfaisant pour les autres, est une figure du Verbe incarné. C’est pourquoi l’Église, suivant en cela l’interprétation authentique de l’apôtre saint Jude (5), applique ce passage de la Sagesse à Jésus. Comme la libération de l’oppression égyptienne, ainsi la délivrance de l’antique joug du péché par le Messie arriva au cœur de la nuit—l’heure de la prière plus intime et plus recueillie — tandis qu’alentour tout le créé se taisait, et que le monde civil lui-même jouissait politiquement de l’inaltérable pax romana inaugurée par Auguste. Les ténèbres sont aussi un symbole de l’ignorance et du péché où se trouvait plongée l’humanité à l’apparition de Jésus, astre splendide du matin.

Dans la collecte, nous demandons au Seigneur, maintenant qu’est apparu sur la terre le Pontife de notre confession et le Maître qui, par son exemple, nous montre la voie du bien, de diriger nos actes selon sa sainte volonté afin que, au nom de Jésus son Fils, nous méritions de multiplier les actes vertueux.

L’ordre primitif des messes stationnales ayant été altéré, la série des lectures fut bouleversée. Aujourd’hui, on lit l’épître aux Galates, quoique celle aux Romains dure encore jusqu’à l’Épiphanie. Pourtant, que ce soit une coïncidence fortuite ou une anticipation expressément voulue, ce passage de l’Apôtre convient parfaitement au mystère de l’enfance du Seigneur, que l’Église célèbre en ces jours. Saint Paul veut démontrer que Jésus est Fils de Dieu et invoque pour cela une raison tout intime, mais d’une portée beaucoup plus vaste et générale puisqu’elle s’étend à tous les chrétiens. L’Esprit Saint, observe-t-il, nous met sur les lèvres l’invocation filiale : « Abba, Père. » Mais le divin Paraclet est l’esprit de Jésus : donc c’est Jésus qui nous associe à sa filiation divine, nous communiquant le droit d’appeler Dieu notre Père, étant lui-même le Fils aîné et le premier et nécessaire héritier des richesses paternelles.

Ensuite vient le répons-graduel, tiré du psaume 44 : « Plus beau que tous les mortels, la grâce est répandue sur vos lèvres. Mon cœur éclatera en un hymne de louanges, je narrerai mes œuvres au roi ; ma langue est semblable au roseau du scribe qui, rapide, trace ses signes. »

Le verset alléluiatique répète le psaume 92, qui est devenu, en ces jours, le chant spécial de l’inauguration du nouveau royaume messianique.

La lecture évangélique qui le suit est d’un choix très ancien, au moins antérieur à la fête de la Purification. A l’origine, avant que les mystères de la sainte Enfance fussent vénérés en des solennités distinctes, selon leur développement chronologique, la liturgie romaine les avait groupés autour de la fête de Noël, selon l’ordre des lectures du saint Évangile.

Le sentiment le plus naturel de l’âme qui contemple les choses de Dieu, est celui d’une sainte admiration. L’Enfant Jésus était l’objet d’étude continuelle et d’émerveillement pour Marie et Joseph. Et pourtant, il n’avait pas encore ouvert la bouche, il n’avait encore opéré aucun prodige. Que sera-ce quand sa Mère bénie le contemplera sur la Croix ? Si les mystères de condescendance, d’obscurité, de suavité ineffables de la sainte Enfance de Jésus sont si profonds, que même l’âme illuminée de ses saints parents s’y perd, que ne devrons-nous pas faire pour étudier continuellement Jésus, afin de le comprendre intimement ? Un auteur ancien l’appelait : magna quaestio mundi, et il en est ainsi, en effet. Il est un mystère réconfortant pour les bons et une question pénible pour les méchants. Ceux-ci voudraient l’ignorer, ils voudraient éluder ses prétentions à la souveraineté universelle, mais c’est en vain. Ils confessent sa divinité précisément en le combattant, car, si Jésus n’était qu’homme et non pas Dieu, ils ne s’inquiéteraient pas tant de le persécuter. Signum oui contradicetur : voilà en trois mots toute l’histoire de Jésus et aussi celle de l’Église. La persécution pourra varier sa tactique et son mode, mais à travers les siècles, au fond de toutes les haines et de toutes les oppressions de l’Église, c’est toujours Jésus qui est le grand persécuté.

L’antienne de l’offertoire est identique à celle de la seconde messe de Noël.

Dans la secrète sur les oblations, nous prions Dieu de les agréer, afin que nous obtenions par là la grâce d’une sainte ferveur, qui nous assure à la fin l’entrée dans la vie bienheureuse.

L’antienne de la Communion est prise dans l’Évangile (Matth., n, 20), mais d’un autre passage que la lecture de ce jour ; ce qui prouve que l’ordre des antiennes et des péricopes scripturaires a été bouleversé. « Prends l’Enfant et sa Mère, et retournez dans la terre d’Israël, car ceux qui attentaient à la vie de l’Enfant sont morts. »

La collecte après la Communion exprime en peu de mots tous les fruits eucharistiques : « Par l’efficacité de ce Sacrement, faites, Seigneur, que nous soyons purifiés de nos vices, et que nos vœux soient heureusement exaucés. »

Dieu aime tant la vie cachée et l’humilité, que même quand il se révèle, il le fait en se cachant d’une nouvelle manière, inaccessible au sens humain. Ainsi le Verbe de Dieu apparaît sur la terre, mais il se voile sous une enveloppe de chair ; il se manifeste aux hommes, mais sous l’aspect d’un pauvre artisan ; et aujourd’hui même, si l’Évangile atteste que Jésus se fortifiait et donnait des preuves toujours plus merveilleuses de son éternelle sagesse, il ajoute pourtant tout de suite qu’il cacha cette sagesse substantielle elle-même, en vivant pendant trente ans dans l’atelier d’un charpentier, soumis et obéissant à Marie et à Joseph. »

Source Introïbo