Brésil : quand le football cache un État d’extrême violence – par Laurent Glauzy

Ces dernières années, la carte de la violence du Brésil s’est modifiée. L’essor économique de Bahia, État du nord-est, attire désormais les trafiquants de drogue.

Criblé de quatorze impacts de balles, le corps d’un jeune homme de vingt ans gît dans la rue. Des badauds regardent avec détachement les policiers mettre le cadavre dans un cercueil. L’enquêteur Bruno Ferreira de Oliveira explique que « des hommes l’ont suivi avant de l’abattre ». Un fait bien commun. À Bahia, chaque mois, trois cent cinquante-quatre personnes meurent dans les mêmes circonstances.

Le sud-est, dominé par les mégapoles de Rio de Janeiro et Sao Paulo, est réputé pour son extrême violence, les enlèvements et les fusillades. Mais d’après une étude de José Maria Nobrega, professeur de science politique à l’université fédérale de Campina Grande, le taux de criminalité a baissé de 47 % entre 1999 et 2009. En revanche, le nord-est connait le phénomène inverse.

Cette région, jadis une des plus pauvres du Brésil, a bénéficié du programme des transferts de richesses que l’ancien Président Luiz Inacio Lula da Silva a mis en œuvre pendant ses huit années de mandat. La croissance économique eut pour effet pervers d’attirer les cartels de la drogue faisant de ce foyer un lieu d’affrontements sanglant. Salvador, la capitale, est une des plus grandes attractions touristiques, une passerelle pour les plus belles plages du Brésil. Les agences de voyages sont à présent réticentes pour y amener les vacanciers. De plus, Salvador, recensant trois millions d’habitants, est une ville hôte de la coupe du monde de football qui commence dans une semaine au Brésil.

À Bahia, la criminalité a augmenté de 430 % de 1999 à 2008, soit 4 709 meurtres pour cette dernière année. M. Nobrega affirme qu’en 2010, le taux de criminalité était de 34,2 pour 100 000 habitants, alors que cette proportion est de 29,8 pour Rio. Jacques Wagner, le gouverneur de l’État de Bahia ne veut pas croire à une telle évidence. Il note que Salvador organise chaque année son Carnaval où plus d’un million de participants descendent dans la rue, entourés néanmoins par quelques vingt-deux mille policiers. « Pendant quatre ans il n’y a eu aucun homicide pendant le défilée », avance-t-il. « Pour moi, la Coupe du monde ne pose aucun problème ». Alors, pour endiguer cette montée de violence, des unités permanentes de police apparaissent dans les zones particulièrement touchées par le trafic de drogue, principale cause des homicides. Par ailleurs, les gangs implantés à Bahia, se propagent dans les régions environnantes.

Si dans les favelas de Rio, les affrontements entre la police et des gangs lourdement armés et entraînés, ont revêtu l’aspect d’une guérilla, dans le nord-est, la situation est tout aussi dramatique. N’importe quel homme peut tuer son voisin en toute impunité : les autorités ne savent plus à quel saint se vouer. Mauricio Teles Barbosa, responsable de la sécurité pour l’État de Bahia, expose que « le nord-est a coutume de se rendre justice, car personne n’a confiance en la police. Ses colonels sont eux-mêmes des hors-la-loi faisant aussi leur propre justice. De telles attitudes sont amplifiées par l’indifférence de l’État qui ne met pas en place suffisamment d’agents des forces de l’ordre et ne développe pas des réseaux de services sociaux ».  Pourtant, J. Wagner devenu gouverneur en 2007, a accru ses effectifs de police. De 2007 à 2010, il a nommé sept mille nouveaux officiers et trois mille cinq cent de plus pour 2011. Son État a inauguré sa première unité de police à Calabar. Depuis sa mise en fonction, en avril 2011, cette enclave rongée par la pauvreté emploie cent vingt officiers, et aucun homicide n’y a été enregistré, observe le capitaine Maria de Oliveira Silva, le commandant de l’unité. « Ces dernières trois années, il ne se passait pas un mois sans que personne ne fut tué », argumente-t-il. Trois autres unités de police ont été prévues à partir de 2012 dans la proximité de Calabar. Malheureusement, les jeunes officiers qui sont sélectionnés pour ces opérations, n’ont que leur ambition pour rompre avec les rouages internes de la corruption et combattre les gangs.

Laurent Glauzy

Laurent Glauzy est aussi l’auteur de :
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