Un banquier à l’Elysée, Marine Le Pen atomisée

Nous reproduisons ici l’éditorial du Rivarol de cette semaine. Le style est pamphlétaire, le ton acide et les formules lapidaires. En dépit des divergences d’opinions que chacun d’entre-nous peut avoir avec Jérôme Bourbon, cette lecture doit pousser à la réflexion les Français sincères.
Alors que l’avenir du pays s’obscurcit et que le temps presse, il faut prendre les bonnes décisions pour se sortir de l’impasse et il est désormais clair que Marine Le Pen – qui a montré ses graves limites lors du débat de l’entre-deux tours -, sans programme salutaire, gênée  par les affaires, ne peut incarner l’opposition nationale.
Les 30, 40 ou 50 députés FN qui sortiront lors des prochaines législatives, ne pourront changer grand chose aux problèmes de fond. 

« Sans surprise Emmanuel Macron, le candidat de l’oligarchie, des media et du Système, a été élu à la présidence de la République le 7 mai au soir. Et son score est sans appel : il a réuni sur son nom plus de 20 millions de bulletins, 66,10 % des suffrages exprimés et 43,63 % des inscrits. C’est le président le mieux élu de la Ve République après Jacques Chirac en 2002 qui faisait déjà face à un candidat du Front national. Avoir comme concurrent un représentant du FN est l’assurance pour l’autre finaliste d’obtenir une élection de maréchal : Chirac avait obtenu quatre cinquièmes des suffrages exprimés il y a quinze ans, Macron en obtient les deux tiers, ce qui reste considérable sachant que cette fois-ci, contrairement à 2002, il n’y a pas eu de quinzaine de la haine, de manifestations de masse dans les rues, de viol absolu de toute déontologie journalistique et de refus du débat.

Ce résultat est une incontestable réussite pour ce candidat encore inconnu du grand public il y a trois ans mais qui a été aidé par des soutiens aussi puissants qu’efficaces. En 2016 75 unes de magazines étaient consacrées à Macron qui a par ailleurs fait l’objet de dizaines de milliers d’articles. Deux ans plus tôt, en 2014, Jacques Attali, le mentor de Macron, prophétisait que le prochain président de la République serait un jeune inconnu et, quelques jours plus tard, il faisait un éloge appuyé de l’ex–banquier d’affaires. Le succès d’Emmanuel Macron, ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée et ex-conseiller économique de Hollande, ci-devant ministre de l’Economie, n’est donc pas le fruit du hasard. Le jeune homme de 39 ans s’est par ailleurs montré habile et a su profiter de circonstances favorables. Contrairement à Jacques Chirac avant lui, Emmanuel Macron a accepté le rituel du débat de l’entre-deux-tours. Et bien lui en a pris à en juger par le résultat. Les partisans de Marine Le Pen pensaient que le débat télévisé regardé par 16,5 millions de téléspectateurs lui permettrait de refaire une partie au moins de son retard. C’est le contraire qui s’est produit. Les sondages à la veille de ce duel indiquaient des intentions de vote autour de 40 à 41 % pour la présidente en congé du Front national. Et après ce débat Marine Le Pen finit à 33,9 %. Le débat lui a fait perdre quelque sept points, ce qui est considérable.

Pendant deux heures et demie elle a montré à la France entière son vrai visage : une insupportable vulgarité (« buvez un coup, ça ira mieux » osa-t-elle dire avec une rare élégance à Macron), une incompétence et une inculture abyssales, une bêtise à front de taureau qui n’a d’égale que son mépris ricanant, ses rictus grotesques, ses mouvements brusques sur sa chaise, une incroyable désinvolture à ce niveau et à ce stade de la compétition, un rire permanent et odieux, un vide doctrinal sidéral. Avec sa gouaille de poissonnière, son manque de hauteur et son irresponsabilité, elle a réussi l’exploit de présidentialiser son adversaire, pourtant terne jusque-là dans ses prestations, mais qui dans ce duel est resté calme, digne, pédagogue, professoral, maîtrisant ses dossiers et développant patiemment son projet alors que Marine Le Pen n’avait rien à dire, rien à opposer. Elle n’a fait que manier l’invective de façon aussi agressive que stérile. Pas un mot sur l’immigration et la démographie, pas un mot sur le Grand Remplacement, sur la famille, sur l’identité et la sécurité, pas un mot sur la défense de la civilisation, sur les enjeux de ce scrutin, sur les graves dangers menaçant la survie et la pérennité du pays. Elle pensait stupidement qu’à force d’aboyer, elle déstabiliserait son contradicteur qui sortirait de ses gonds. C’est elle en réalité qui s’est discréditée. On n’a jamais intérêt à sous-estimer un adversaire.

Pour aimer, on a besoin d’admirer et dans ce débat Marine Le Pen s’est montrée profondément antipathique. Il suffisait de naviguer sur les réseaux sociaux, les forums de discussion pour constater à quel point sa prestation avait été jugée catastrophique et combien les commentaires étaient sévères à son endroit. Dans ce débat elle a perdu tout crédit. C’est si vrai qu’un certain nombre d’électeurs qui avaient voté pour elle au premier tour ont préféré rester chez eux ou voter blanc au second tour tellement ils ont été choqués et se sont sentis humiliés par son comportement, son incompétence. « Elle nous fait honte » confessaient plusieurs nationaux sur des forums, « elle a été nulle, lamentable » ajoutaient d’autres partisans qui jugeaient incompréhensible ce naufrage que personne ou presque n’avait vu venir.

Cette campagne de second tour a été un festival de médiocrité, de bévues et d’amateurisme de la part de Marine Le Pen et de son équipe qui n’ont eu de cesse de sombrer dans le ridicule et le grotesque : on a ainsi eu droit à Villepinte le 1er mai au plagiat mot pour mot de larges extraits d’un discours que Fillon avait prononcé quinze jours plus tôt. Si Madame Le Pen était capable d’improviser et de prononcer des discours sans note, comme Mélenchon et comme son père avant elle, cette mésaventure ne lui serait pas arrivée. Puis il y eut les palinodies et tergiversations incessantes au sujet de l’euro qui achevèrent de rendre inaudible le discours de la candidate. Ses différents lieutenants se contredirent, s’emmêlèrent les pinceaux sur la question.

Quant à Marine Le Pen, elle toucha le fond littéralement pendant le débat, donnant le sentiment qu’elle-même ne savait pas précisément quelle politique elle allait mener, selon quel calendrier, se trompant sur l’écu, étant floue sur les deux monnaies, affirmant qu’avec elle tous les pays européens retrouveraient leur monnaie nationale comme si elle pouvait décider à la place de l’Allemagne, de l’Italie, du Benelux et des autres pays de la zone euro. C’est qu’au fond elle n’a aucune conviction, aucune passion, aucune vision du monde, aucune flamme. Si elle était sincère, si elle avait du coffre, si elle servait un idéal, elle n’aurait pas eu besoin d’étaler tant de dossiers devant elle, elle aurait trouvé les mots, les formules, les codes pour toucher les cœurs et les esprits des téléspectateurs. Mais l’on ne peut donner ce que l’on n’a pas, transmettre ce que l’on n’a pas reçu. Pendant tout ce débat Marine Le Pen a projeté son propre vide. L’expérience fut saisissante, effrayante. Car si cette virago est pleine d’elle-même, elle est fondamentalement vide. Elle se trouve être l’héritière de Le Pen, elle aurait dû être l’héritière de Régine.

Ce soir-là, à trois jours d’un scrutin majeur, le vernis a craqué, elle s’est révélée. Elle s’est mise à nu. Et ce ne fut pas beau à voir. Ce sont quinze ans de stratégie de dédiabolisation qui sont subitement partis en fumée. Depuis 2002 elle répétait qu’il fallait se professionnaliser, acquérir une culture de gouvernement, se désenclaver, se dédiaboliser et voilà qu’elle se rediabolise toute seule, pis qu’elle se ridiculise. Pour mener à bien son entreprise, elle a trahi tous les fondamentaux du FN, renoncé à l’abrogation de la loi Veil et de la loi Gayssot, au rétablissement de la peine capitale, à l’inversion des flux migratoires, à la défense de la famille et des valeurs traditionnelles, fait l’apologie de la laïcité, servi les loges et la synagogue, exclu ou poussé au départ des cadres historiques, des militants sincères et désintéressés, suspendu puis exclu son propre père, fondateur du mouvement, et voilà qu’elle se suicide elle-même à quelques heures d’un scrutin fatidique.

La harpie s’est fait hara-kiri. La furie est en charpie, au tapis. Ce débat fut le cimetière de la poissonnière, le suicide de la parricide. La reine du parti des folles a explosé en plein vol. La « madone à pédés » s’est crashée. Ce duel, ce fut la sanction de l’impréparation, la déconfiture de l’imposture et de l’inculture, de l’arrivisme, du cynisme et de l’amateurisme, la lessiveuse de la déménageuse. La « camionneuse au côté hommasse » est dans la nasse. Marine Le Pen, ce n’est pas la mégère apprivoisée, c’est la mégère atomisée, la sorcière pulvérisée, la tenancière étrillée. En une soirée elle a montré que son niveau, c’est le caniveau, que son néo-Front, ce sont les bas fonds. En résumé, son parti, ce sont les invertis et une harpie, les homos et une virago, Philippot et une folle dingo, la pissotière et la poissonnière, les dégénérés et une hallucinée, les pédés et les bras cassés, Gay Lib et le grand vide, Sébastien Chenu et les torses nus, les folles des saunas gays et la folle des plateaux télé, l’improbable assemblage d’humanoïdes et de mongoloïdes directement échappés de La Colline a des yeux de Wes Craven, le réalisateur des films d’horreur.

A n’en pas douter il y a dans ce carnage télévisuel l’expression d’une justice immanente, le doigt de la Providence. Tôt ou tard l’on finit toujours par payer ses crimes, tôt ou tard la vérité, même longtemps occultée, dissimulée, manipulée, finit par éclater, irradier, se venger. Et souvent elle se manifeste de manière éclatante, renversante, stupéfiante. C’est à quoi nous avons assisté en direct. Fin de partie pour la harpie.

Oh bien sûr Marine Le Pen va s’accrocher à son poste comme une moule à son rocher. Le soir de sa cruelle défaite, le 7 mai, elle a aussitôt annoncé qu’elle restait à la tête du combat “patriotique”, qu’elle allait engager la transformation profonde » du Front national qui changera de nom et donnera naissance à « une nouvelle formation politique ». Elle parachève ainsi son parricide : après avoir exclu son père, supprimé son nom patronymique des affiches, des tracts et des dépliants, mis au rencart la flamme tricolore, supprimé ou dénaturé des pans entiers du programme, voilà que logiquement elle signe l’acte de décès d’un parti porté sur les fonts baptismaux il y a quarante-cinq ans. C’est aussi une façon de résoudre la question de la présidence d’honneur de Jean-Marie Le Pen. En créant un nouveau parti à l’issue du prochain et ultime congrès du FN, probablement cet automne, elle entend ainsi en finir définitivement avec les derniers liens juridiques l’unissant malgré elle à son géniteur. Mais cela ne résoudra rien. Car quoi qu’elle dise et quoi qu’elle fasse, et même si elle fait tout pour le gommer, elle s’appelle Le Pen. Et aux yeux du grand public et des media cela ne changera jamais.

Elle a beau enterrer le FN, tout le monde sait qu’elle l’a présidé pendant six ans, qu’elle est la fille du président-fondateur. Elle ne pourra s’extraire de cet héritage. C’est pour elle une tunique de Nessus. Elle a beau tout trahir, tout renier, tout liquider, elle est et restera prisonnière de ce nom et de ce parti. Et puis sa prestation désastreuse, calamiteuse restera dans les esprits : comment les Français pourraient-ils sérieusement mettre dans les mains d’une femme si agitée voire hystérique, si peu maîtresse d’elle-même, de ses nerfs, de ses émotions, l’arme nucléaire ? Comment pourraient-ils lui confier sans trembler la direction du pays, de sa diplomatie, de son armée, de sa police, de sa gendarmerie, de sa magistrature ? Elle qui menace les fonctionnaires de police et les magistrats qui enquêtent sur ses malversations présumées, elle qui insulte et salit non seulement ses adversaires, ses contradicteurs mais aussi tous ceux qui dans son mouvement ou dans la presse nationale ne lui obéissent pas au doigt et à l’œil, jusqu’à son père à qui elle ne parle plus et dont elle dénonce « les propos orduriers », jusqu’à sa nièce qu’elle dit “raide”, “inexpérimentée”, qui « ne joue pas collectif » et manquerait selon elle de loyauté.

S’ouvre désormais la campagne pour les législatives. Car dans les démocraties modernes l’on est en campagne électorale permanente. Malgré l’échec cuisant du 7 mai, voilà que l’on veut faire croire contre l’évidence à un grand succès aux législatives, l’on promet l’élection de plusieurs dizaines de députés, la constitution d’un puissant groupe parlementaire. Tout cela n’est bien sûr que de la poudre aux yeux, de l’enfumage, de l’auto-intoxication. Les jeux sont déjà faits. Le match est joué avant même d’avoir commencé. Qui ne voit que l’échec de la présidentielle aura inévitablement un effet amplificateur aux législatives ? L’électorat du Front national sera en grande partie démobilisé, démotivé, découragé, écœuré. L’abstention sera très forte dans ses rangs. Il avait cru, sinon à la victoire, du moins à un score très important, au-dessus de 40 %. Le résultat est très en-deçà des espérances. Au second tour Marine Le Pen est battue dans toutes les régions, dans tous les territoires ultra-marins, dans tous les départements, à l’exception de l’Aisne et du Pas-de-Calais, dans toutes les grandes villes où Macron obtient en général entre 80 et 90 % et dans quasiment toutes les villes moyennes.

Les optimistes insistent sur le fait que Marine Le Pen a progressé de douze points et de près de trois millions de voix entre les deux tours. Mais c’est oublier que dans le même temps son concurrent augmentait, lui, son score de 42 points et engrangeait douze millions de voix supplémentaires d’un tour à l’autre, que la dynamique est clairement de son côté, que Jean-Marie Le Pen lui-même dans la quinzaine de la haine et face à un front républicain beaucoup plus étendu et implacable que cette fois-ci avait lui-même gagné 700 000 voix et qu’il ne bénéficiait pas de l’appoint d’un candidat ayant fait près de 5 % comme Nicolas Dupont-Aignan (qui s’est politiquement suicidé en s’alliant à Marine Le Pen pour un plat de lentilles : 50 circonscriptions dans lesquelles le néo-FN soutiendrait Debout la République), que son score du premier tour était plus modeste et que les circonstances cette fois-ci étaient extraordinairement plus favorables : Mélenchon qui pesait près de 20 % au premier tour n’a pas appelé à voter Macron, la participation a reculé de trois points d’un tour à l’autre, les attentats terroristes ont été nombreux ces derniers temps, il y eut le feuilleton des migrants, la crise migratoire, la décomposition de la droite plombée par les affaires, l’effondrement du Parti socialiste. Tout cela n’a manifestement pas suffi.

Dans n’importe quelle organisation humaine au fonctionnement normal, un chef qui conduit ses troupes à un tel désastre, qui a de surcroît montré de lui une image déplorable dans un débat déterminant, quitterait de lui-même la scène ou se ferait éjecter. François Fillon qui a pourtant manqué de peu sa qualification pour le second tour a ainsi fait ses adieux. Il était impensable qu’il conduisît lui-même la campagne des législatives pour les Républicains après un tel désaveu. Tel n’est pas le cas pour la présidente en congé du Front national car ce mouvement a un fonctionnement autocratique, clanique et sectaire. L’autocritique y est impossible, le débat interdit. Aucun conseiller de Marine Le Pen n’a ainsi osé dire à la présidente qu’elle avait complètement manqué son débat, que sa prestation fut catastrophique. C’est impensable. Bien qu’ils n’en pensent pas moins, ils ont dit qu’elle avait été excellente, fabuleuse. Ce ne sont pas des conseillers, ce sont des esclaves. Ils savent en effet que s’ils disaient la vérité ils seraient exécutés, que la furie exploserait, que leurs fonctions, leurs investitures, leurs prébendes seraient menacées. C’est aussi simple que cela.

Le néo-FN n’est pas un parti, c’est une secte dirigée par une épouvantable harpie qui fait la pluie et le beau temps, n’écoute personne, n’en fait qu’à  sa tête, éructe, fulmine, excommunie, exclut, épure. A chaque fois qu’une personnalité extérieure a rejoint le mouvement ou s’en est rapproché, cela s’est invariablement mal terminé, d’Aymeric Chauprade à Laurent Ozon, de David Mascré à Paul-Marie Coûteaux. Pourquoi le Siel, petit allié de Marine Le Pen, présente-t-il des candidats “dissidents” aux législatives ? Parce qu’il en avait assez d’être humilié. Pourquoi Ménard rue-t-il dans les brancards ? Parce qu’il se sait lui aussi méprisé. On ne peut pas progresser durablement, encore moins obtenir de grandes victoires, avec un tel mode de fonctionnement. Or tant que Marine Le Pen tiendra la barre, rien de sain ne pourra être construit. Son départ définitif de la direction du mouvement est une nécessité impérieuse, une urgence si l’on veut sauver encore ce qui peut l’être, s’il n’est déjà pas trop tard. Après tout, nul n’est indispensable ni irremplaçable. Et cela éviterait de plus que le camp dit national soit dirigé par une personne qui sera incessamment mise en examen et sur qui pèsent de graves et concordants soupçons de corruption. Cela aurait enfin l’avantage de participer à un sain renouvellement. Avec Emmanuel Macron l’oligarchie a montré qu’elle était capable de mettre en avant un homme jeune, souriant et affable. Ce n’est là bien sûr que la surface des choses. Mais dans une société reposant sur l’image et lassée des vieilles badernes, cela n’est pas sans importance. En cette période de dégagisme, il est temps de dégager la principale responsable du naufrage.

Mais cela ne suffira pas. Il s’agit d’abord et surtout de revenir aux fondamentaux du nationalisme : le respect du Décalogue, la défense de la vie et de l’institution familiale, le rejet du sans frontiérisme tant moral que physique, la défense de la civilisation française, européenne et chrétienne, l’inversion des flux migratoires, l’abrogation des lois liberticides, la promotion des libertés et de l’esprit d’entreprise. Qui aura le courage et la lucidité de défendre de tels principes ? »

Jérôme Bourbon