Bernard Lugan : Libye un an plus tard… Point de situation

Un an après la fin du régime du colonel Kadhafi, la  Libye est coupée en trois :
– En Cyrénaïque où deux guerres se déroulent, les fondamentalistes musulmans dont le fief est la ville de Derna s’opposent aux « traditionalistes » rassemblés derrière les confréries soufi cependant que les partisans d’une Libye bicéphale, fédérale ou confédérale refusent l’autorité de Tripoli.
– En Tripolitaine, la ville de Misrata dont est originaire le général Youssef al-Mangouch, à la fois chef de l’armée et coordinateur des milices « ralliées » au pouvoir de Tripoli, tente de prendre le contrôle de toute la région. Auréolées par la capture de l’ancien guide, ses forces viennent de s’emparer de la ville de Bani Walid, « capitale » de la tribu des Warfalla[1]. Dans la lutte traditionnelle contre ses rivaux du sud, Misrata a donc  marqué un point. Dans l’ouest de la Tripolitaine, les milices berbères (berbérophones ou arabophones) du jebel Nefusa jouent une carte clairement régionale cependant que le «pouvoir central» de Tripoli doit négocier avec les diverses milices pour tenter d’exister.
– Le grand sud est devenu une zone grise où le « pouvoir », ancré sur le littoral méditerranéen n’est obéi ni des Touareg, ni des Toubou, ces derniers devant périodiquement faire face à des raids lancés contre eux par des tribus arabes.

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Bernard Lugan : de la Somalie au Mali la solution passe le retour au réel ethnique

Bernard Lugan : Assistons-nous à la fin du règne des principes philosophiques occidentaux mortifères qui, depuis trois décennies, tuent l’Afrique à petit feu ? Trois exemples peuvent le laisser penser :

1) La Somalie est en guerre depuis 1991 après que, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, la communauté internationale eut laissé certaines tribus chasser du pouvoir le général Syad Barré, autocrate certes, mais seul capable de maintenir l’unité de ce conglomérat de clans baptisé Etat somalien. Depuis, tout a été tenté pour y rétablir la paix : interventions militaires directes puis indirectes des Etats-Unis suivies de celles de l’ONU, de l’Ethiopie, des Etats africains, puis enfin du Kenya. Rien n’y fit véritablement. Jusqu’au jour où, localement et sans l’intervention de BHL ou du docteur Kouchner, il fut décidé de reprendre le problème à l’origine et de demander aux chefs coutumiers de tenter de le régler, ce qui passait par la répudiation de l’impératif occidental de démocratie individualiste basée sur le « one man, one vote ». Les chefs se sont donc réunis, ils ont longuement palabré et ont finalement désigné une assemblée constituante reflétant les véritables rapports de force sociopolitiques du pays. Loin des constructions partisanes voulant copier le « modèle » occidental. Ces députés nommés doivent élire le nouveau chef de l’Etat le 8 septembre. Rien ne permet naturellement de dire que le retour à la paix est assuré. Loin de là ! Mais une première tentative sérieuse vient enfin d’être faite dans ce sens.

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Bernard Lugan sur Sud Radio

Un billet de Bernard Lugan :

Au Mali, deux guerres sont en cours :

– La première qui concerne les seuls Touaregs est menée par le MNLA. Son but est l’indépendance de l’Azawag, la terre touareg, ce qui passe par la partition du Mali.

– La seconde est menée par un petit mouvement islamiste du nom d’Ansar Dine dont l’objectif est totalement différent puisqu’il veut contrôler tout le Mali pour y instaurer la charia. Même s’il est dirigé par un Touareg Ifora, tribu qui fournit l’essentiel des troupes du MNLA, Ansar Dine est composé de sahéliens de diverses ethnies et d’abord d’Arabes sahariens comme les Chamba, les Reguibat ou les Maures. En effet, les Touaregs ne peuplent pas tout le Sahara, mais seulement sa partie centrale, tout l’ouest du désert jusqu’à l’Atlantique étant une zone arabe ou arabisée.

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Libye : un an plus tard

Par Bernard Lugan : En ce premier anniversaire de l’ « insurrection libyenne », et alors qu’une « résistance verte » dont il est difficile d’évaluer la force réelle, semble être en mesure d’opérer sur la totalité du territoire, la Libye apparaît comme étant coupée en trois :
La Cyrénaïque n’accepte pas les décisions prises depuis Tripoli par le CNT. De plus, et les journalistes ne l’ont naturellement pas vu, les tensions y sont fortes entre les islamistes fondamentalistes et les membres des confréries soufies dont le poids régional est important. Les premiers pourchassent les seconds en les traitant d’hérétiques et des heurts se sont récemment produits lors des processions traditionnelles. Les fondamentalistes ont commis l’irréparable le 13 janvier, à Benghazi, quand ils ont passé un cimetière au bulldozer et profané une trentaine de tombes de saints – les marabouts du Maghreb -, dont ils ont dispersé les ossements. Pour eux, les rassemblements autour de leurs tombeaux, l’équivalent des moussem du Maroc, ne sont rien d’autre que de l’idolâtrie, donc du paganisme.

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Editorial de « l’Afrique Réelle » n°26 : les cocus de l’AN I

Par Bernard Lugan : En ce premier « anniversaire » du chaos libyen et de la victoire des Frères musulmans en Tunisie et en Egypte, il paraît utile de rendre hommage aux cocus de l’AN I, à savoir ces journalistes qui se sont toujours trompés.
Ceux-là même qui tombèrent en pâmoison devant le prétendu « printemps arabe », qui applaudirent une révolution tunisienne qu’ils sentirent embaumant le jasmin, qui eurent des vapeurs et même des émois place Tahir au Caire.
Ceux enfin qui laissèrent éclater une joie indécente lors de l’écrasement du régime libyen, mais qui se turent devant les images atroces du lynchage de son « guide ».

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Editorial de l’Afrique Réelle N°23

Par Bernard Lugan :
Cinq grands enseignements peuvent être tirés des élections tunisiennes :
1) Ce vote montre que la Tunisie est coupée en deux puisque les islamistes et leurs alliés totalisent environ 50% des suffrages. Face à eux, les 50% de « laïcs » sont divisés. Les islamistes sont donc les maîtres du jeu.
2) Ce résultat constitue rejet de la greffe occidentale tentée il y a plus d’un demi-siècle par Bourguiba, ce qui montre que l’on ne va pas contre la nature profonde des peuples. L’on a en effet trop longtemps oublié que la Tunisie est un pays musulman, donc non laïc..
3) La laïcité tunisienne était en quelque sorte un luxe réservé à une élite occidentalisée vivant entre Paris et Tunis. Or, cette élite s’est tiré une balle dans le pied en renversant Ben Ali qui lui interdisait certes la plénitude de l’expression politique, mais qui, en revanche, lui permettait de vivre pleinement à l’européenne en pays musulman.
4) Ces élections auront fait bien des cocus, à commencer par les médias français tombés littéralement amoureux de la « révolution du jasmin », laquelle était tout, sauf une victoire de la démocratie et des droits de l’homme tels que leur esprit formaté se l’imaginait.

« A propos de la réforme du programme d’histoire »

En parallèle avec la sortie d’un vrai « Manuel d’histoire de France » dans les circuits alternatifs, laissons la parole à Bernard Lugan.

« L’histoire des mondes non européens a toujours figuré dans les programmes scolaires, cependant, elle n’était pas enseignée aux dépens de l’histoire de France. De plus, cette nécessaire ouverture ne se faisait qu’à partir du moment où les fondamentaux de notre histoire étaient acquis par les élèves. Aujourd’hui, il en va tout autrement avec la réforme Darcos qui prépare le délitement de l’imaginaire historique national, ce précieux socle auquel les Français sont encore arrimés.

Les ravages commencent désormais dès la classe de 5° qui a subi des amputations insensées et même proprement « ubuesques » de son programme d’histoire. Or, ces amputations ont été rendues nécessaires afin de dégager autant de plages horaires destinées à l’étude des civilisations non européennes, qu’elles soient africaines, asiatiques ou autres.
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Editorial l’Afrique Réelle N°20 – Août 2011

Le référendum du 1° juillet fut pour le roi Mohammed VI un sondage de popularité grandeur nature. Avec 73,4% de participants et plus de 98% de votes « oui », les très médiatisés manifestants du « mouvement du 20 février » ont été réduits à leur juste importance, c’est à dire pas grand-chose…En comparaison de la réussite politique du Maroc, l’échec tunisien est encore plus apparent. Le politiquement correct parle de « transition » quand il convient de parler d’anarchie. Des foyers d’agitation s’allument en effet à travers tout le pays avec leur cortège de pillages, d’exactions diverses et de victimes ; le tout sur fond de montée des revendications islamistes. L’échéance électorale du mois d’octobre 2011 qui verra 7 millions d’électeurs appelés aux urnes et pour laquelle plus de cent partis se sont déjà fait inscrire n’est pas là pour calmer la situation.Selon les chiffres de l’ONTT (Office national du tourisme tunisien) entre janvier et fin juin 2011, la fréquentation touristique a baissé de 40% et les recettes de plus de 50%. Ce secteur qui représente 6,5% du PIB a déjà perdu plusieurs milliers d’emplois directs, sans parler des conséquences indirectes pour de très nombreuses professions.

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« Somalie : merci, mais nous avons déjà amplement donné… »

Intéressantes réflexions de l’africaniste Bernard Lugan :

La Somalie étant encore frappée par une famine, une nouvelle fois les médias déversent des images atroces accompagnées de commentaires dégoulinants de bons sentiments et chargés de reproches culpabilisateurs. Comme si nous, Européens, avions la moindre responsabilité dans ce drame dont les deux principales causes répétitives sont clairement identifiées :
– Une guerre tribale que se livrent des clans historiquement rivaux.
– Une surpopulation suicidaire qui a détruit le fragile équilibre écologique régional. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement avec un taux de natalité brute de plus de 48% et un indice de fécondité par femme atteignant 6,76 enfants ?
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Editorial de l’Afrique Réelle N°17

Par Bernard Lugan :

Sous l’ancien régime les Tunisiens vivaient certes sous la « dictature », mais, du moins, mangeaient-ils à leur faim, la sécurité publique était assurée et ils ne quittaient pas leur pays. Aujourd’hui, ils « sont en démocratie », mais avec le ventre vide et des milliers d’entre eux se ruent vers l’île de Lampedusa. Quant à l’anarchie, elle est telle que les nouvelles autorités ont été contraintes d’instaurer le couvre-feu. Comme sous Ben Ali…
A court terme la situation économique et sociale ne va pas s’améliorer. Le secteur touristique, pourtant essentiel, est ainsi particulièrement sinistré. Ses 350.000 employés sont majoritairement au chômage, 25% des principaux hôtels sont en faillite, 40% vont l’être et 80% demeurent fermés. Quant aux compagnies aériennes, dont Tunisair, leur survie étant en jeu, l’Etat a décidé de leur payer une partie des vols annulés.

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L’alchimie tribale libyenne (point de situation)

Communiqué de Bernard Lugan, le 24 avril 2010

La nouvelle selon laquelle le colonel Kadhafi aurait ordonné à son armée de se retirer de la ville de Misrata pour y confier le rétablissement de l’ordre aux tribus qui lui sont loyales, permet de mettre en évidence la grande réalité tribale sur laquelle repose la vie sociale libyenne [1].

Le problème, lorsque l’on parle des tribus de Libye tient au fait que nous sommes en présence d’ensembles divisés en une infinité de clans et de sous clans aux alliances fluctuantes et aux zones d’habitat mouvantes. On recense ainsi environ 150 tribus et clans dont la plupart vivent éclatés sur plusieurs régions et dont les intérêts sont régulièrement contradictoires. Ces tribus ne constituent pas des blocs homogènes unanimement rangés dans un camp ou dans l’autre. Ainsi, au sein même des Gaddafa, la tribu du colonel Kadhafi, l’un des cousins de ce dernier, Ahmed Gaddaf al-Dam est passé chez les insurgés. S’agit-il d’une adhésion sincère ou d’une habitude bédouine de ménager une porte de sortie pour les siens? L’histoire le dira.

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Réflexions « à chaud » après l’arrestation de Laurent Gbagbo

Les preuves des massacres de chrétiens ivoiriens commencent à nous parvenirl’ONU veut juger Laurent Gbagbo et Bernard Lugan réagit à l’arrestation de l’ancien président de la Côte d’Ivoire :

En quatre mois de crise, Laurent Gbagbo n’aura commis qu’une seule véritable erreur politique, celle de déclarer la guerre à la France. Elle lui fut fatale. Revenons sur les trois jours qui firent basculer la Côte d’Ivoire afin de bien comprendre comment l’histoire s’est subitement emballée.
– Le samedi 9 avril, la zone de l’hôtel du Golf fut bombardée par les partisans de Laurent Gbagbo ce qui signifiait donc qu’ils disposaient encore de ces « armes lourdes» que la France avait pour mandat de réduire au silence afin de protéger les populations civiles.