Piss Christ : le procureur relance l’enquête

Alors que l’affaire semblait définitivement oubliée, le procureur fait un excès de zèle.

Lu sur La Provence : L’affaire avait fait grand bruit. Le 17 avril 2011, un commando a dégradé deux oeuvres d’Andrès Serrano, exposées à la collection Lambert, le musée d’art contemporain d’Avignon. Il s’agissait de deux photographies intitulées « Soeur Jeanne Myriam » et « Piss Christ », représentant un crucifix plongé dans un fluide orangé composé d’urine et du sang de l’artiste. Une oeuvre blasphématoire pour des intégristes catholiques qui avaient appelé la veille à une manifestation.
Identifiés comme ayant participé à ce commando, quatre suspects, présentés par la partie civile comme des militants d’un groupuscule d’extrême droite, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel d’Avignon pour avoir dégradé en coaction un bien culturel.
Lors de l’audience qui s’est tenue le 19 juillet le tribunal, à la demande de la défense, a annulé les citations qui étaient imprécises. Le vice-procureur Couderc annonçait alors l’envoi de nouvelles citations pour une audience qui devait se tenir le 19 novembre prochain et qui dès lors est reporté. Une audience au cours de laquelle la défense entendait déposer une question prioritaire de constitutionnalité afin que le législateur livre une définition du « bien culturel ».
Face à ce dossier, à l’évidence mal ficelé, Bernard Marchal, procureur de la République, opte pour une autre stratégie : « Il est facile a posteriori de critiquer le choix qui a été fait dans le traitement de ce dossier. Mon parquet a décidé de le reprendre en ouvrant une information judiciaire pour des faits qualifiés de dégradations. Un juge d’instruction est saisi et une nouvelle enquête va avoir lieu« .

En limitant la saisine à des faits de « dégradations » le débat se trouve simplifié et risque de rendre moins « embouteillé » le chemin d’une éventuelle condamnation . Car ici, la notion de « bien culturel » n’a plus de raison d’être expliquée. De même la justice n’a plus à savoir si une photo qui peut être reproduite est ou non une oeuvre d’art. La question aujourd’hui se limite donc à savoir qui a dégradé deux photos exposées à la collection Lambert.
Pour Me Jérôme Triomphe, l’un des avocats des mis en cause, cette ouverture d’information est un aveu d’échec. « Ce dossier comme nous nous tuons à le dire depuis le début était injugeable en l’état. Sinon, pourquoi ouvrir une information dont le but est de déterminer si une infraction a été commise, laquelle et par qui » ? « Le procès n’est ni fait ni à faire. Les poursuites engagées par le parquet ont été annulées par le tribunal et aujourd’hui nos clients ne sont pas concernés par cette instruction« , assure Me Triomphe.

Il poursuit : « A l’audience il y a eu un superbe rebondissement avec l’exhibition par la partie civile des deux tableaux, plusieurs mois après les faits invoqués. Ces photos auraient dû être mises sous main de justice car il est manifeste que ce ne sont plus les mêmes dégradations que celles constatées dans le dossier pénal. Elles ont traîné dans les caves du musée et ont été manipulées. On n’agit pas comme cela quand on réclame 400 000 € à de jeunes smicards« .

Et Me Triomphe de conclure : « dans ce dossier le seul à avoir été condamné c’est la Collection Lambert pour ne pas avoir respecté la présomption d’innocence de quatre jeunes gens qui n’ont même pas été poursuivis« . Nous n’avons pu obtenir de réaction de la collection Lambert. »