Liquidation de Ben Laden et décapitation de régimes arabes : des crimes presque parfaits (1/2).

Chronique stratégique de Jocelyn Beaumont pour lAcropole.info :

Notre cher Hercule Poirot lui-même se serait arraché les cheveux sur cette affaire, tant elle recèle de mystères et de machiavélisme. C’est une histoire profondément subtile qui a laissé derrière elle la confusion la plus totale, le chaos le plus réussi, et surtout, des coupables impunis, fiers de leur préméditation, et drapés dans leur immunité de hauts fonctionnaires.

Mais venons-en aux faits. Lorsque le 1er mai 2011, à 23h30, le président américain Barack Obama annonce devant la face du monde, la liquidation de l’ennemi public numéro 1 des Etats-Unis, Oussama Ben Laden, la planète numérique est à nouveau sous un choc émotionnel. Cette annonce arrive en plein cœur des révolutions arabes. Dix ans après la chute des Twin Towers, c’est l’icône de l’islamisme par excellence qui se déchire à son tour. Partout l’on craint un effet de souffle dans le Monde arabe, tellement l’annonce est importante. En France, le patron de la DCRI, M. Squarcini, tel l’inspecteur Japp qui prend toujours les mauvaises décisions, décrète une alerte de niveau maximal. Il craint des représailles : nous sommes au plan Vigipirate rouge, jappe-t-il à un journaliste du Monde le 5 mai, la France est la cible n°2 d’Al-Qaeda ! Que se passe-t-il, au juste, dans les semaines qui suivent ? Rien. Le néant. RAS ! Hormis quelques Africains anonymes1, personne n’a pleuré la mort de Ben Laden. Jusque là, rien de très surprenant si l’on sait que le caïd ne tenait plus qu’un rôle honorifique dans ladite « organisation » Al-Qaeda, qu’il ne maîtrisait plus pour une simple raison que nous exposerons plus loin.

Images floues et hasard spectaculaire : méfiance…

Ben Laden était devenu un symbole. Mais au fond, a-t-il vraiment été autre chose ? Quelqu’un a-t-il déjà vu le prodige, le fakir, en chair et en os, autrement que sur des bandes vidéo préenregistrées ? La vérité, c’est que pendant dix ans, le monde entier n’a pu faire autre chose que croire en l’histoire racontée par les Etats-Unis, parce que personne ne possédait d’autres sources que les sources américaines. En 2003, c’est à l’aide de deux misérables photos satellitaires truquées faisant passer des cimenteries pour des usines d’armes de destruction massives, que Colin Powell justifie devant la tribune de l’ONU la guerre en Irak, qui fera plus de 650 000 morts. Aujourd’hui, une fois de plus, seule la version américaine peut nous renseigner sur les derniers instants de la plus grande star mondiale de tous les temps. A quoi assiste-t-on ? Au largage en haute mer d’une momie soigneusement ficelée ! C’est tout ! Qui a vu quoi ? C’est la terrible question que soulève cette magistrale mise en scène !

Pendant ce temps, la rue arabe a autre chose à faire qu’à penser à cette relique du 20ème siècle qu’elle a renié depuis longtemps, à cause des précédents liens de Ben Laden avec la CIA, et de l’image calamiteuse de l’islam qu’il a donnée au monde, selon elle. La rue arabe se déchaîne depuis plusieurs mois dans des mouvements que l’on élève au degré de révolutions. La presse française couronne ces rébellions, qu’elle attribue exclusivement à une aspiration à la liberté, elle sacralise le « printemps arabe », se pique même de bellicisme, et fait de l’affreux président qu’elle conspuait il y a peu dans tous ses agissements, je parle de M. Sarkozy, un justicier modèle, un protecteur de la femme, de l’enfant et du vieillard, contre le méchant Kadhafi. Les événements en cours sont redoutables : ils tentent de banaliser en nous leur déroulement improbable. On veut nous faire croire que tout ce qui arrive procède du hasard, que ces enchaînements d’événements hétéroclites et inattendus mais ô combien retentissants, relèvent de la pure normalité. Comme si devant l’échiquier mondial si bien décrit par Kissinger, il pouvait manquer une seule seconde de candidats certifiés par leur intelligence diabolique ! Devant de tels basculements politiques et historiques, il est aussi utopique d’attribuer ces événements au hasard que de demander aux crapules qui s’occupent des affaires du monde de cesser leurs projets de domination et d’enrichissement durant 24 heures.

« Ben Laden immergé dans une mer de points d’interrogation »2

En quelques semaines, on a liquidé l’ennemi public recherché depuis dix ans et décapité des régimes en place depuis plus de trente ans. Tout cela au même moment. Joli feu d’artifice. Personne n’a fait le rapprochement. Où est l’erreur ? Quel ombre plane sur le tableau trop lisse des déclarations officielles ? Qui a décidé ? Quelle main a tué ? Mais surtout pourquoi ? Pourquoi avoir pris le risque d’exciter les filières terroristes en diffusant publiquement l’immersion de Ben Laden, alors que l’opération pouvait rester dans le secret des dieux ? Pourquoi avoir décrété la mort de dirigeants arabes à la tête de pays sans véritable importance stratégique, après des décennies de collaboration ? Rien ne tient debout dans les déclarations officielles. Tenez, le pouvoir pakistanais prétend ne rien connaître à propos de la cache de Ben Laden, alors que celui-ci réside dans un complexe luxueux3 situé à quelques foulées d’une base militaire de l’armée pakistanaise, qui est elle-même sensée coopérer dans la lutte contre le terrorisme. Invraisemblable ! Même les plus grands maffieux se réfugient dans la cabane au fond du jardin. Ben Laden, lui, l’homme le plus recherché de la planète, vit dans un palace à la vue de n’importe qui, et dans l’ignorance des services secrets les plus équipés ! Intenable version !

Le récit par la Maison Blanche de l’assaut américain est quant à lui criblé de contradictions, comme le relève très justement l’agence de presse Xinhua4 :

« La Maison Blanche a admis que son premier compte-rendu public sur la mort de Ben Laden était truffé d’erreurs. Elle avait annoncé que Ben Laden était armé et avait pris part à un échange de tirs, et que c’était la raison pour laquelle les Navy SEALs avaient choisi de le tuer tout de suite. Dans une reculade embarrassante mardi, l’attaché de presse de la Maison Blanche Jay Carney a admis que Ben Laden n’avait pas tiré sur les Navy SEALs. « Il n’était pas armé », a corrigé M. Carney.
Ce qui s’est également avéré faux, c’est la description initiale qui a été faite de la scène de l’assaut, Ben Laden utilisant une femme comme « bouclier humain », la forçant à sacrifier sa vie, suggérant par là même un comportement lâche du cerveau d’Al-Qaïda. La femme est toujours vivante et a été placée sous garde avec plusieurs des enfants de Ben Laden, selon la nouvelle version de M. Carney.

La foi de l’homme universel est suspendue aux lèvres du porte-parole de la Maison Blanche. Et que fait M. Carney ? Il bafouille, il glisse, puis se reprend. Bref, il ne dit pas la vérité. Mais allons plus loin

Des circonstances étonnantes : pas de timing et pas de cadavre.

Dans sa déclaration officielle, le président Obama affirme que la CIA connaissait l’emplacement de Ben Laden depuis huit mois. Pourquoi donc le braquage du lieu nécessite-t-il autant de temps ? Après dix ans de traque, le chasseur trouve sa proie et ne trouve pas mieux à faire qu’à prendre un peu de repos. Huit mois, pensez-vous, cela paraît inexplicable ! Car Ben Laden, durant ce répit miraculeux, aurait eu tout le temps d’échapper au filet et de se refondre dans l’anonymat. De plus, les agents de la CIA prennent le risque d’être pris au dépourvu par les services pakistanais. Qu’a-t-il bien pu se tramer durant ces fameux huit mois ? Prise de renseignement sur les lieux, observation des allers et venues de chacun, bref, observation… et puis, brusquement, le signal est donné, la maison assiégée, Ben Laden tué. Pourquoi ne pas l’avoir capturé vivant ? S’il est le chef d’Al-Qaeda, cet homme est une mine de renseignements pour les Américains ! Pourquoi le tuer sans lui soutirer aucune information ? Mystère…

Mais je m’aperçois que je vous parle d’une scène de crime dans laquelle il n’y a pas de cadavre. Lui, la bête noire, le Mal incarné, cette bête terrassée que n’importe quel héros aurait pour réflexe de porter en triomphe, en guise de trophée, personne ne verra l’image de sa chute ! C’est ce qu’a décrété le président américain. Et qu’avons-nous en pâture ? Un vulgaire montage photo délivré par la télévision pakistanaise, et faisant rire tout le web par son amateurisme5. Où est passé Ben Laden ? Le monde entier est condamné à regarder cette momie empaquetée tombant lourdement dans les profondeurs de la haute mer. Si profondément d’ailleurs que personne ne pourra la retrouver. Et qu’y a-t-il dans ce paquet ? Etait-il nécessaire de procéder à ce rite curieux alors que les pakistanais ont déjà pour habitude d’enterrer leurs morts sans mentionner leurs noms sur les tombes ? Il fallait, nous dit-on, éviter de créer un sanctuaire, qui donnerait lieu à des pèlerinages et aviverait des légendes sur la survivance de Ben Laden. Mais n’est-on pas précisément en train de créer une mythologie et de jouer avec la soif du mystère en présentant de façon si peu crédible la fin du colosse d’Abbotabad ? Ben Laden a disparu, c’est une certitude, et l’on se demande, au vu de l’absence totale de traces qu’il a laissées en chemin, s’il a finalement existé.

Explosion du Monde arabe : pas d’auteurs et pas de mobile(s).

A l’autre bout du monde d’Allah, entre Rabat et Le Caire, les peuples grognent et renversent leurs dirigeants. Les géopolitologues, en charlatans peu inspirés, évoquaient au début un effet de domino qui allait selon eux effondrer chacun des régimes arabes successivement. Mais là encore s’est formée entre les rives de la Méditerranée une mer de points d’interrogation.

Comment se fait-il en premier lieu que le peuple tunisien, considéré jusqu’alors au Maghreb comme une nation mercantile et efféminée, devienne du jour au lendemain un peuple modèle pour le monde arabe ? Incohérent ! C’est un peu comme si la France consultait la Belgique en matière de philosophie politique… Quoiqu’il en soit, Carthage est détruite. Et la série des émeutes arabes s’enchaîne : au Caire, Moubarak est chassé ; la Libye se dissout en tribus, pendant que Kadhafi joue à cache-cache avec les missiles français ; le Maroc gronde ; la Syrie s’enflamme ; Bahreïn se soulève contre l’élite sunnite du pouvoir. Dans ces deux derniers pays, les régimes font ouvrir le feu sur la foule. Tout cela forme un joli bazar arabe. Et il n’échappe pas à l’observateur standard que les révoltes arabes s’illustrent par leur caractère désorganisé et qu’elles résultent d’un effet de contagion d’un pays à l’autre. Et pourtant, on les assimile généreusement à des révolutions, avec un langage fleuri6. La tentation de les comparer aux Révolutions de couleur qui avaient secoué la Géorgie, l’Ukraine et le Kirghizstan (2003-2005) est grande. Mais s’il est désormais acquis que ces dernières ont été financées et organisées par Washington7, il est impossible d’en dire autant pour les « révolutions » arabes. Mystère, à nouveau !

Oui, mystère, parce que des dirigeants politiques bien en place tombent comme des mouches, les uns après les autres, sans qu’aucun signal visible n’ait été donné. Ces prétendues révolutions sont une insulte à l’histoire ! Que doivent penser les grands maîtres des Lumières qui, de père en fils, ont mis près de trois siècles à déraciner la monarchie française très chrétienne ? Aujourd’hui, il suffit de dire : « casse-toi, pauv’con ! », et le dictateur se retire humblement ! Parfois en rechignant, certes, mais assez rapidement tout de même.

Vous aurez bien compris que de révolutions, il n’est pas question. En Egypte comme en Tunisie, l’armée a repris les choses en main. Alors, qu’est-ce à dire ? « Much ado about nothing », se serait écrié Shakespeare : tout ça pour rien… ? On parle ici et là de transition démocratique, du rôle moteur joué par les réseaux sociaux, Facebook et compagnie. Mais tout rentre progressivement dans l’ordre. On s’attendait à ce que Jérusalem, de son côté, redoute le déferlement d’une vague verte : « Big Brother, help us ! ». Rien de tout cela. Motus et bouche cousue en Israël. Bizarre, non ?

Une fois de plus l’histoire des ces révoltes instinctives n’a aucun sens, telle qu’elle nous est racontée : c’est absurde, totalement absurde ! Des gens se soulèvent spontanément et de façon désorganisée, alors qu’ils auraient pu le faire depuis 30 ans. Des gens meurent pour rien. L’Occident se met à traiter de tyrans des alliés de toujours. Une guerre contre la Libye est même entreprise. Et à première vue, pas d’enjeux stratégiques apparents. Seulement un peu de pétrole libyen mal raffiné qui ferait les affaires de British Petroleum8. Que reste-t-il ? Du sable et du vent ! Je le répète, si la version que l’on nous présente est vraie, ces révoltes arabes sont une offense à l’histoire dans la mesure où elles n’ont ni véritables auteurs – j’entends des chefs, des leaders, des hommes d’influence – ni mobiles crédibles (la guerre civile libyenne est une guerre tribale et l’aspiration à des régimes démocratiques dans la région est loin de rassembler l’unanimité ; rappelons-nous ces arabes qui nous donnaient il y a peu des leçons de civisme, et qui crachaient sur l’Europe des colons et le modèle européen). Extraordinaire schtroumferie !

Un numéro de prestige

Ainsi dans ces événements qui continuent leur cours, rien ne tient debout, exactement comme dans l’affaire de l’exécution de Ben Laden. Et là mon cher Hastings, vous allez me dire : « mais que diable me parlez-vous de Ben Laden ! Je ne vois pas bien quel rapport peut exister entre la mort de Ben Laden et les émeutes arabes ! ». Cela crève les yeux, Hastings ! Vous ne comprenez rien : il ne s’agit pas d’une histoire belge ! Il s’agit d’une histoire arabe ! D’un côté une marionnette, Ben Laden, à qui plus personne ne pensait et dont le seul but est d’apparaître pour mieux disparaître, comme le fakir. Et de l’autre, des dirigeants politiques coupables d’anonymat et d’immobilisme, plongeant subitement dans le néant, pour qu’apparaissent des remplaçants exactement semblables à eux ! Cela crève les yeux, je vous le dis ! Et vous saurez bientôt pourquoi. Réponse dans la prochaine chronique…

2 commentaires concernant l'article “Liquidation de Ben Laden et décapitation de régimes arabes : des crimes presque parfaits (1/2).”

  1. La mort de ben laden ne sert a rien car il meurt en martyr et il y aura toujours quelqu’un pour le remplacer .Son organisation est mondiale et totalement décentralisée donc solide. De plus avec 40 millions d’allogènes en europe et bien plus dans une génération peut etre +100 millions si la Turquie entre dans l europe. En amérique en une génération les usa compte 9 millions de musulmans en 2010 et demain peut etre 40 millions en Amérique .

    Le temps est contre l oncle Sam et l’occident seule une reconquista règlera le problème.

  2. Eh oui, seuls les Grecs nous ont transmis l’histoire de la bataille de Marathon ou des Thermopyles, les Romains la conquête des Gaules. Pour la DGM (WWII en anglais), on a plein de versions différentes, mais malheur à celui qui vient adoucir les versions des anglais, américains, russes ou juifs.

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