Dernier dimanche après la Pentecôte (textes et commentaires)

Nous vous proposons les textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel, tel que le suivaient nos aïeux), selon le calendrier traditionnel, avec des commentaires autorisés.

Le Jugement dernier

« Le Cycle liturgique se termine avec cette dernière semaine de l’année ecclésiastique et avec lui l’histoire du monde qu’il nous a rappelée depuis ses origines au Temps de l’Avent jusqu’à son terme final en ce 24e Dimanche après la Pentecôte. – Cette messe a en effet un caractère prophétique. Elle nous fait assister aux convulsions qui agiteront notre terre au moment où apparaîtra le Juge qui rendra à chacun selon ses œuvres. (Év.). Aussi nous exhorte-t-elle, avec l’apôtre, à nous conduire d’une manière digne du Seigneur et à fructifier en toutes sortes de bonnes œuvres. (Ép.) »

Dom G. Lefebvre

Commentaire de Dom Guéranger (in L’année liturgique ; livres ici) :

« Le nombre des Dimanches après la Pentecôte peut dépasser vingt-quatre et s’élever jusqu’à vingt-huit, selon que la Pâque s’est rapprochée plus ou moins, dans les diverses années, de l’équinoxe du printemps. Mais la Messe qui suit est toujours réservée pour la dernière ; on remplit l’intervalle avec celles, plus ou moins nombreuses, des Dimanches après l’Épiphanie, qui, dans ce cas, n’ont point eu leur emploi au commencement de l’année. Ceci toutefois doit s’entendre exclusivement des Oraisons, Épîtres et Évangiles ; car, ainsi que nous l’avons dit, les Introït, Graduel, Offertoire et Communion restent jusqu’à la fin les mêmes qu’au vingt-troisième Dimanche.

On a vu que cette Messe du vingt-troisième Dimanche était véritablement considérée par nos pères comme la dernière du Cycle. L’Abbé Rupert nous a révélé le sens profond de ses diverses parties. Selon la doctrine que nous avions eu l’occasion de méditer précédemment [1]Cf. XIII° Dim ap la Pentec., la réconciliation de Juda nous y est apparue comme le terme, dans le temps, des intentions divines ; les dernières notes de la sainte Liturgie sont venues s’y confondre avec le dernier mot pour Dieu de l’histoire du monde. Le but cherché dans la création par l’éternelle Sagesse, et miséricordieusement poursuivi dans la rédemption après la chute, est en effet pleinement atteint désormais ; car ce but n’était autre que l’union divine avec l’humanité rassemblée dans l’unité d’un seul corps.[2]Eph. II, 16. Maintenant que les deux peuples ennemis, gentil et juif, sont réunis en un seul homme nouveau dans Jésus-Christ leur chef [3]Ibid. 15., les deux Testaments, qui marquèrent si profondément au milieu des siècles la distinction des temps anciens et nouveaux, s’effacent d’eux-mêmes pour faire place aux splendeurs de l’alliance éternelle.

L’Église arrêtait donc ici, autrefois, la marche de sa Liturgie. Elle était satisfaite d’avoir amené ses fils, non seulement à pénétrer en cette manière le développement complet de la pensée divine, mais encore et surtout à s’unir ainsi d’une union véritable au Seigneur, par une communauté réelle de vues, d’intérêts et d’amour. Aussi ne revenait-elle même pas sur l’annonce du second avènement de l’Homme-Dieu et du jugement final, qui avait fait, au temps de l’Avent, l’objet de leurs méditations dans les débuts de la vie purgative C’est depuis quelques siècles seulement que, dans la pensée de donner au Cycle une conclusion plus précise et plus appréhensible aux chrétiens de nos jours, elle le termine par le récit prophétique de la redoutable arrivée du Seigneur, qui clôt les temps et inaugure l’éternité. Saint Luc se trouvant de temps immémorial chargé d’annoncer dans les jours de l’Avent cet avènement terrible [4]Cf. Ier Dimanche de l’Avent., l’Évangile de saint Matthieu fut choisi pour le décrire de nouveau, et plus longuement, au dernier Dimanche après la Pentecôte.

Introït :
« Moi, j’ai des pensées de paix et non d’affliction, dit le Seigneur ; vous m’invoquerez et je vous exaucerai, et je ramènerai vos captifs de tous les lieux. »
« Vous avez béni, Seigneur, votre terre, vous ayez délivré Jacob de la captivité. » Ps. 84, 2.

L’exercice des bonnes oeuvres avec l’aide de la grâce nous fait obtenir une grâce plus grande. Demandons avec l’Église, dans la Collecte, une action efficace de ce moteur divin sur nos volontés.

Collecte :
« Excitez, nous vous en supplions, Seigneur, la volonté de vos fidèles, afin que, recherchant avec plus d’ardeur, le fruit des œuvres divines, ils reçoivent de votre miséricorde des remèdes plus puissants. Par Notre-Seigneur. »

ÉPÎTRE
Lecture de l’Épître du B. Ap. Paul aux Colossiens :
« Mes frères, nous ne cessons pas de prier pour vous, et de demander à Dieu que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d’une manière digne de Dieu, lui plaisant en toutes choses, portant des fruits en toute sorte de bonnes œuvres, et croissant dans la connaissance de Dieu ; fortifiés à tous égards par la puissance de sa gloire, pour manifester toute patience et longanimité, en même temps que la joie ; rendant grâces à Dieu le Père, qui nous a rendus dignes d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres, et nous a fait passer dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang, et la rémission des péchés. »

Action de grâces et prière : c’est le résumé de notre Épître et la digne conclusion des instructions de l’Apôtre, comme du Cycle entier de la sainte Liturgie. Le Docteur des nations n’a point défailli dans la tâche que lui avait confiée la Mère commune ; il ne tient pas à lui que les âmes dont il avait pris la conduite au lendemain de la descente de l’Esprit d’amour, ne soient toutes parvenues aux sommets de perfection qu’il rêvait pour elles toutes. Et de fait, les chrétiens fidèles à marcher sans faiblir dans la voie ouverte, il y a un an, devant eux par la sainte Église, savent maintenant, pour en avoir acquis la bienheureuse expérience, que cette carrière de salut aboutissait sûrement à la vie d’union où règne en souveraine la divine charité ! En quel homme, du reste, pour peu que cet homme ait laissé prendre son intelligence et son cœur à l’intérêt que présente le développement des saisons liturgiques, en quel homme ne s’est pas développée du même coup la lumière ? Or la lumière est l’indispensable élément qui nous arrache à l’empire des ténèbres et nous transfère, par le secours du Dieu très-haut, dans le royaume de son Fils bien-aimé. L’œuvre de la rédemption que ce Fils de son amour est venu accomplir ici-bas à sa gloire, n’a donc pu qu’avancer dans tous ceux qui se sont associés d’une façon quelconque aux pensées de l’Église, depuis les semaines de l’Avent jusqu’en ces derniers jours du Cycle. Tous dès lors, qui que nous soyons, nous devons rendre grâces à ce Père des lumières [5]Jac. I, 17., qui nous a rendus dignes d’avoir une part, si minime soit-elle, à l’héritage des saints.

Mais tous aussi, quelle qu’en soit la mesure, nous avons à prier pour que le don excellent [6]Ibid. déposé dans nos cœurs, se prête au développement que doit lui apporter le nouveau Cycle à la veille de s’ouvrir. Le juste ne peut rester stationnaire ici-bas : il faut qu’il descende ou qu’il monte ; et quelle que soit la hauteur où l’a déjà porté la grâce, il doit toujours, tant qu’il est en cette vie, monter davantage [7]Psalm. LXXXIII, 6.. Les Colossiens, auxquels s’adressait l’Apôtre, avaient pleinement reçu l’Évangile ; la parole de vérité semée en eux y fructifiait merveilleusement dans la foi, l’espérance et l’amour [8]Col. 1, 4-6. : or, loin d’en prendre occasion de relâcher sa sollicitude à leur égard, leurs progrès sont précisément la raison pour laquelle… saint Paul, qui priait déjà, ne cesse plus de le faire. Prions donc nous aussi. Demandons à Dieu qu’il nous remplisse encore et toujours de sa divine Sagesse et de l’Esprit d’intelligence. Nous en avons besoin pour répondre à ses intentions miséricordieuses. L’année qui va commencer réserve à notre fidélité des ascensions nouvelles, laborieuses peut-être ; mais elles seront récompensées par des aspects nouveaux dans les jardins de l’Époux, et la production de fruits plus nombreux et plus suaves. Marchons donc d’une façon digne de Dieu, joyeux et forts sous le regard de son amour, dans la voie montante qui nous conduit au repos sans fin de la vision bienheureuse.

Graduel :
« Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous affligeaient et vous avez confondu ceux qui nous haïssaient. »
En Dieu nous nous glorifierons tout le jour et nous célébrerons à jamais votre nom. Allelúia, allelúia.
V/.Ps, 130, 1-2. : « Du fond des abîmes je crie vers vous, ô Seigneur ; Seigneur, exaucez ma prière. Alléluia. »

ÉVANGILE.
Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu :
« En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie dans le lieu saint, que celui qui lit comprenne. Alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes, et que celui qui sera sur le toit n’en descende pas pour emporter quelque chose de sa maison, et que celui qui sera dans les champs ne retourne point pour prendre sa tunique. Malheur aux femmes qui seront enceintes ou qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite n’ait pas lieu en hiver, ou un jour de sabbat. Car il y aura alors une grande tribulation, telle qu’il n’y en a pas eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. Et si ces jours n’avaient été abrégés, nulle chair n’aurait été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours seront abrégés. Alors si quelqu’un vous dit : Voici, le Christ est ici ; ou : II est là, ne le croyez pas. Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, qui feront de grands signes et des prodiges au point de séduire, s’il était possible, même les élus. Voici que je vous l’ai prédit. Si donc on vous dit : Le voici dans le désert, ne sortez pas ; Le voici dans le lieu le plus retiré de la maison, ne le croyez pas. Car comme l’éclair part de l’orient et se montre jusqu’à l’occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. Partout où sera le corps, là s’assembleront les aigles. Aussitôt après la tribulation de ces jours, le soleil s’obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l’homme apparaîtra dans le ciel, et alors toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel, avec une grande puissance et une grande majesté. Et il enverra ses anges, avec la trompette et une voix éclatante, et ils rassembleront les élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. Apprenez une comparaison prise du figuier. Quand ses branches sont déjà tendres, et que ses feuilles naissent, vous savez que l’été est proche ; de même, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’il est aux portes. En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera point que toutes ces choses n’arrivent. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. »

Bien des fois, dans les semaines de l’Avent, les circonstances qui accompagneront le dernier avènement du Seigneur ont fait l’objet de nos méditations ; sous peu de jours, les mêmes enseignements vont revenir pénétrer nos âmes d’une terreur salutaire. Qu’il nous soit permis aujourd’hui de nous retourner, dans le désir et la louange, vers le Chef adoré dont l’heure solennelle du jugement doit consommer l’œuvre et marquer le triomphe. O Jésus, qui viendrez alors délivrer votre Église et venger Dieu d’insultes prolongées si longtemps, elle sera en effet terrible au pécheur cette heure de votre arrivée ! Il comprendra clairement alors que le Seigneur a tout fait pour lui-même, tout jusqu’à l’impie, réservé pour glorifier sa justice au jour mauvais [9]Prov. XVI, 4.. L’univers, conjuré pour la perte des méchants [10]Sap. V, 21., se dédommagera enfin de la servitude de péché qui lui fut imposée [11]Rom. VIII, 21.. Vainement les insensés crieront aux montagnes de les écraser, afin d’échapper au regard de celui qui siégera sur le trône [12]Apoc. VI, 16. : l’abîme refusera de les engloutir ; obéissant à celui qui tient les clefs de la mort et de l’enfer [13]Ibid. I, 18., il vomira jusqu’au dernier ses tristes habitants au pied du redoutable tribunal.

O Jésus, ô Fils de l’homme, combien grande apparaîtra votre puissance, entouré que vous serez d’autre part des célestes phalanges [14]Ibid. XIX, 14. formant votre cour brillante, et rassemblant vos élus des quatre coins de l’univers ! Car nous aussi, nous vos rachetés, devenus vos membres en devenant ceux de votre Église bien-aimée, nous serons là en ce jour ; et notre place, ineffable mystère sera celle que l’Époux réserve à l’Épouse : votre trône [15]Ibid. III, 21., où, siégeant avec vous, nous jugerons les anges mêmes [16]I Cor. VI, 3.. Dès maintenant tous les bénis du Père [17]Matth. XXV, 3., ces élus dont la jeunesse s’est tant de fois renouvelée comme celle de l’aigle au contact de votre sang précieux [18]Psalm. CII, 5., n’ont-ils pas leurs yeux préparés pour fixer sans faiblir, quand il se montrera au ciel, le Soleil de justice ? Dans leur faim accrue des lenteurs de l’exil, qui donc pourrait arrêter leur vol, quand paraîtra la proie sacrée de votre divin corps ? quelle force romprait l’impétuosité de l’amour [19]Cant. VIII, 6. qui les rassemblera au banquet de la Pâque éternelle ? Car c’est la vie et non la mort, la destruction de l’antique ennemie [20]I Cor. XV, 28., la rédemption s’étendant jusqu’aux corps [21]Rom. VIII, 23., le plein passage à la vraie terre promise, la Pâque en un mot, cette fois réelle pour tous et sans couchant, que proclamera la trompette de l’Ange sur les tombeaux des justes. Quelle ne sera pas l’allégresse de ce vrai jour du Seigneur [22]Psalm. CXVII, 24., pour tous ceux qui par la foi ont vécu du Christ, qui l’ont aimé sans le voir [23]I Petr. I, 8. ! S’identifiant à vous, ô Jésus, malgré l’infirmité de leur chair fragile, ils ont continué ici-bas votre vie de souffrances et d’humiliations ; quel triomphe, quand, délivrés à jamais du péché, revêtus de leurs corps immortels, ils seront transportés au-devant de vous pour être avec vous toujours [24]I Thess IV, 6. !

Mais leur joie immense sera surtout d’assister, en ce grand jour, à la glorification de leur Chef bien-aimé par la manifestation de la puissance qui lui fut donnée sur toute chair [25]Jean. XVII, 2.. C’est alors, ô notre Emmanuel, que, brisant la tête des rois et réduisant vos ennemis à vous servir de marchepied [26]Psalm. CIX., vous apparaîtrez comme le seul prince des nations [27]Psalm. II.. C’est alors que le ciel, la terre et l’enfer réunis, fléchiront les genoux [28]Philip. II, 10. devant ce Fils de l’homme venu autrefois dans la forme d’esclave, jugé, condamné, mis à mort entre des scélérats ; alors vous jugerez, ô Jésus, les juges iniques auxquels vous annonciez, du sein de vos humiliations, cette venue sur les nuées du ciel [29]Matth. XXVI, 64.. Et lorsque, la redoutable sentence une fois prononcée, les réprouvés iront au supplice éternel et les justes à la vie sans fin [30]Ibid. XXV, 46., votre Apôtre nous apprend que, pleinement vainqueur de vos ennemis, roi sans conteste, vous remettrez au Père souverain ce royaume conquis sur la mort, comme l’hommage parfait du Chef et des membres [31]I Cor. XV, 24-28.. Dieu sera tout en tous. Ce sera l’accomplissement de la prière sublime que vous apprîtes aux hommes [32]Matth. VI, 9., et qui s’élève plus fervente chaque jour du cœur de vos fidèles, lorsque s’adressant à leur Père qui est aux cieux, ils lui demandent sans se lasser, au milieu de la défection générale, que son Nom soit sanctifié, que son règne arrive, que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Incomparable sérénité de ce jour où cessera le blasphème ; où, purifiée par le feu de la fange du péché, la terre sera un nouveau paradis ! Quel chrétien donc ne tressaillirait, dans l’attente de ce dernier des jours qui ouvrira l’éternité ? qui ne compterait pour bien peu les angoisses de la dernière heure, à la pensée que ces souffrances ne signifient rien autre chose sinon, comme le dit l’Évangile, que le Fils de l’homme est tout près et à la porte ?

O Jésus, détachez-nous toujours plus de ce monde dont la figure passe [33]I Cor. VIII, 31. avec ses vains travaux, ses gloires contrefaites et ses faux plaisirs. Ainsi que vous nous l’aviez annoncé, comme aux jours de Noé, comme à Sodome, les hommes continuent de manger et de boire, de s’absorber dans le trafic et la jouissance ; sans plus songer à la proximité de votre avènement que leurs devanciers ne se préoccupèrent du feu du ciel et du déluge, jusqu’à l’instant qui les perdit tous [34]Luc. XVII, 16-3o.. Laissons-les se réjouir et s’envoyer des présents, comme le dit votre Apocalypse, à la pensée que c’en est fait du Christ et de son Église [35]Apoc. XI, 10.. Tandis qu’ils oppriment en mille manières votre cité sainte, et lui imposent des épreuves qu’elle n’avait point connues, ils ne se doutent pas que ce sont les noces de l’éternité qu’ils avancent ; il ne manquait plus à l’Épouse que les joyaux de ces épreuves nouvelles, et la pourpre éclatante dont l’orneront ses derniers martyrs. Pour nous, prêtant l’oreille aux échos de la patrie, nous entendons déjà sortir du trône la voix qui crie, au bruit des tonnerres qu’entendit le prophète de Pathmos : « Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous tous qui le craignez, petits et grands. Alléluia ! car il règne nôtre Seigneur tout-puissant. Réjouissons-nous et tressaillons, rendons-lui gloire ; car le temps des noces de l’Agneau est arrivé, et son Épouse s’est préparée [36]Ibid. XIX, 5-7. ! » Encore un peu de temps, afin que se complète le nombre de nos frères [37]Ibid. VI, 11. ; et, avec l’Esprit et l’Épouse, nous vous dirons dans l’ardeur de nos âmes trop longtemps altérées : « Venez, ô Jésus [38]Ibid, XXII, 17. ! Venez nous consommer dans l’amour par l’union éternelle, à la gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dans les siècles sans fin ! »

Offertoire :
« Du fond des abîmes. je crie vers vous, ô Seigneur, Seigneur, exaucez, ma prière. Du fond des abîmes je crie vers vous, Seigneur. »

Demandons au Seigneur, dans la Secrète, qu’à l’approche du dernier jugement il tourne vers lui tous les cœurs, et qu’il daigne remplacer en nous les appétits de la terre par les désirs et les goûts du ciel.

Secrète :
« Soyez propice à nos supplications, Seigneur, et après avoir reçu les offrandes et les prières de votre peuple, tournez tous nos cœurs vers vous ; afin qu’affranchis des convoitises terrestres, nous n’ayons plus que des désirs célestes. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. »
Préface de la Sainte Trinité

Communion :
« En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous le recevrez et cela vous sera donné. »

Postcommunion :
« Faites, nous vous en supplions, Seigneur, que par la vertu des sacrements que nous avons reçus, tout ce qu’il y a de vicieux dans notre âme, soit guéri par le bienfait de leur remède. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. »»

Commentaire de Dom Pius Parsch (le Guide dans l’année liturgique)

« Le Fils de l’homme vient avec grande puissance et grande majesté.

1. Pensées du Dimanche. — N’est-ce pas un coup de maître de la part de l’Église de faire passer sous le regard de notre esprit, au dernier dimanche de l’année liturgique, l’acte final du drame de la rédemption, le retour du Christ ? Comment nous comporter devant ce grand événement qui doit nous intéresser tous puisque nous y assisterons tous ? Que dit l’histoire à ce sujet ? Nous pouvons distinguer trois périodes : celles du Christ, de l’antiquité chrétienne et du Moyen Age.

a) Le Christ parle souvent de son retour ; et il le fait d’une façon particulièrement détaillée dans son grand discours eschatologique auquel est emprunté l’Évangile d’aujourd’hui. Le chrétien vivant avec l’Église devrait connaître ce discours, du moins son analyse. Le Christ n’entend pas alors satisfaire notre curiosité ; le but de son discours est de donner à la vie chrétienne un puissant développement. Il atteint, en effet, son point culminant dans cette pensée : l’heure de la fin est incertaine (cela est vrai aussi de la mort ; la mort est le retour du Christ pour chacun). La grande conséquence est celle-ci : « Nous devons être toujours prêts. Pour souligner plus fortement cette conséquence, le Christ emploie quatre paraboles qui toutes ont le même sens : celles du voleur, de l’intendant, des vierges sages et des vierges folles, et des talents.

b) Quelle est l’attitude de l’antiquité chrétienne en face du retour du Christ ? Nous le savons. Elle attend le retour du Seigneur avec un ardent désir. Elle va, joyeuse, à la rencontre du Seigneur, avec la couronne des vierges et la palme des martyrs. Maranatha, c’est-à-dire : Viens, Seigneur, était le refrain de toutes ses prières.

c) Tout autre est l’attitude du Moyen Age. Une crainte salutaire faisait trembler à la pensée du jugement dernier. Le « Dies irae » de la messe des morts nous donne une idée de l’intense émotion du Moyen Age. « Ah ! Que dirai-je, malheureux que je suis ? à quel défenseur me vouer, quand des justes eux-mêmes manquent d’assurance ?.. Je suis là en accusé ; la honte fait rougir mes joues… »

d) Et nous ? L’antiquité avait le désir ; le Moyen Age, la crainte ; nous n’avons ni l’un ni l’autre. Nous ne parvenons pas à concevoir le désir ; la crainte ne remplit pas notre cœur. Nous n’avons plus l’enthousiasme de l’antique Église, mais nous n’avons pas non plus la foi naïve du Moyen Age. Que devons-nous faire ? Revenons à la pensée du Sauveur sur le jugement : Soyons toujours prêts ! La vie à la lumière du second avènement. Adaptons cette préoccupation à l’édifice divin de notre foi. Nous croyons au second avènement ; c’est aussi cette foi qui est l’objet des méditations de l’Église dans la liturgie. Comme elle nous rappelle ta possibilité de devenir, en considérant le second avènement, riches en fruits de bonnes œuvres, la possibilité de croître dans la patience et la persévérance (Ép.) ! En vérité, ce sont des pensées que nous ne pouvons jamais oublier ; l’Église fait succéder l’acte à la parole. Nous rappeler ces pensées était le but de l’avant-messe ; mais le Saint-Sacrifice met à notre portée, sous une forme mystique, le retour du Seigneur ; car le Saint-Sacrifice est déjà lui-même un retour du Seigneur ; à la vérité, sous une autre forme. C’est un retour par la grâce : « mes pensées sont des pensées de paix et non de châtiment. » Mais c’est aussi un jugement. Le jugement de punition, il l’a pris sur lui dans sa mort qui est maintenant commémorée. Pour lui l’arrêt de mort sur la croix ; pour nous cette parole : « Venez, les bénis de mon Père… »

2. La Messe (Dicit Dominus). — Il est grand et saisissant le moment où, immédiatement après la consécration, l’Église affirme, à la messe, sa foi au grand mystère de la rédemption : « C’est pourquoi nous nous rappelons… la bienheureuse Passion, la résurrection d’entre les morts et la glorieuse ascension du Christ… » L’Église veut dire par là : le Christ est maintenant présent avec toute son œuvre rédemptrice. C’est la raison pour laquelle elle en énumère les principales phases : la Passion, la résurrection et l’ascension. Autrefois, et maintenant encore chez les Grecs, on citait aussi en dernier lieu le retour du Christ. Ainsi le Seigneur apparaissant dans le mystère de l’Eucharistie est le Christ du retour, le Christ « en grande puissance et majesté ». La messe est à la fois une anticipation, une réalisation avant la lettre, du retour du Seigneur. Cela est vrai de chaque messe, mais tout particulièrement de celle d’aujourd’hui où l’Église célèbre la solennité liturgique du retour. Aujourd’hui se réalise, dans les cérémonies saintes de la liturgie, ce que, pendant des semaines, nous avons préparé, attendu et désiré. Aujourd’hui prend fin le drame sacré de l’année liturgique.

L’âme approche aujourd’hui avec crainte de la maison de Dieu, car celle-ci est aujourd’hui le théâtre du jugement général. Aussi est-ce pour nous une consolation d’être accueillis sur le seuil de la maison par le Père céleste qui nous dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non de châtiment. Alors, la crainte qui nous saisissait à notre entrée dans l’église se change en joie du retour dans la Jérusalem céleste (le psaume 84 est un cantique de rédemption et convient très bien ici). Le Confiteor est aujourd’hui à sa place ; il constitue une scène de jugement ; nous nous tenons devant le Juge éternel ; les saints sont nos accusateurs, mais aussi nos intercesseurs. Le Kyrie est notre chant d’exil, par opposition à l’Alléluia qui est, pour les enfants de Dieu, le chant de la patrie céleste.

L’Oraison fait déjà entendre les accents de l’Avent (Excita), une vraie prière de fin d’année : invitation à utiliser avec plus de zèle que précédemment la prochaine année de grâce.

Maintenant paraît notre mère l’Église ; elle nous adresse d’émouvantes paroles de saint Paul captif (Ép.). Elle n’est pas une visionnaire ; elle ne nous emmène pas dans les nuages du ciel, mais elle nous dispose, par des prières et des supplications, à nous rendre dignes d’aller au-devant du Seigneur qui revient. Elle nous parle et nous supplie en mère soucieuse de son devoir. Le chrétien doit ressembler à un arbre chargé de fruits, s’armer dans la vie de patience et de persévérance, aspirer avec joie et reconnaissance au jour de la venue du Seigneur. Malgré tout son sérieux, la pensée du jugement ne doit pas nous effrayer. Nous devons toutefois être reconnaissants « qu’il nous ait rendus dignes de partager l’héritage de ses saints dans la lumière et de prendre place dans le royaume de son Fils bien-aimé ».

Nous chantons avec la joie du triomphe le Graduel et avec un ardent désir l’Alléluia que nous aurons bientôt le bonheur de chanter dans les rues de la céleste Sion.

Maintenant, dans l’Évangile, c’est le Seigneur lui-même qui place sous nos yeux un tableau expressif de son jour. Mais il ne veut pas nous effrayer, car son intention est de « rassembler » ses élus pour leur faire « partager l’héritage de ses saints ».

Maintenant nous arrivons au sacrifice. Quelle est notre offrande ? L’homme peut nourrir deux convoitises : la convoitise des plaisirs de la terre ou le désir du ciel. C’est ce dernier désir que nous déposons aujourd’hui sur la table du sacrifice et que nous exprimons dans le De profundis.

Au Saint Sacrifice paraît le Christ, le Roi de majesté ; il porte encore le manteau des espèces eucharistiques ; pourtant c’est le même qui viendra en grande puissance et majesté. Et, à la communion, il se penche sur chaque âme. Du trône de son Père il laisse tomber ces paroles de consolation : Je suis glorifié ; priez avec un cœur confiant, cela vous sera donné. Le gage de cette parole de salut est l’Eucharistie.

3. La Prière des Heures. — Nous lisons la saisissante peinture du jugement dernier que saint Basile présente au bréviaire du dernier dimanche. A vrai dire, elle forme contraste avec la messe : « Si le désir de pécher s’empare de vous, alors pensez à ce terrible et insupportable jugement du Christ, où il est assis en Juge sur un trône élevé. Devant lui se tient toute la création, tremblant à son glorieux aspect. Nous sommes amenés un à un devant lui pour rendre compte de ce qufe nous avons fait pendant la vie. Alors, celui qui commis beaucoup de péchés dans sa vie est entoure ; d’anges hideux et effrayants, aux yeux et au souffle de feu à cause de la dureté de leur cœur, au visage sombre comme la nuit à cause de leur désespoir et de leur haine pour les hommes. De plus, représentez-vous l’abîme sans fond, les ténèbres impénétrables, le feu sans éclat, qui peut bien brûler, mais non éclairer. Pensez à la race venimeuse et carnivore des vers qui dévore insatiablement, n’est jamais assouvie et cause, par ses morsures, d’intolérables souffrances ; enfin, pensez à ce qui est le plus terrible de tous les supplices, à la honte-et à la confusion éternelle. Craignez tout cela et, instruits par cette crainte, tenez votre âme éloignée, comme par un frein, des mauvaises convoitises. »

Notes   [ + ]

1. Cf. XIII° Dim ap la Pentec.
2. Eph. II, 16.
3. Ibid. 15.
4. Cf. Ier Dimanche de l’Avent.
5. Jac. I, 17.
6. Ibid.
7. Psalm. LXXXIII, 6.
8. Col. 1, 4-6. : or, loin d’en prendre occasion de relâcher sa sollicitude à leur égard, leurs progrès sont précisément la raison pour laquelle…
9. Prov. XVI, 4.
10. Sap. V, 21.
11. Rom. VIII, 21.
12. Apoc. VI, 16.
13. Ibid. I, 18.
14. Ibid. XIX, 14.
15. Ibid. III, 21.
16. I Cor. VI, 3.
17. Matth. XXV, 3.
18. Psalm. CII, 5.
19. Cant. VIII, 6.
20. I Cor. XV, 28.
21. Rom. VIII, 23.
22. Psalm. CXVII, 24.
23. I Petr. I, 8.
24. I Thess IV, 6.
25. Jean. XVII, 2.
26. Psalm. CIX.
27. Psalm. II.
28. Philip. II, 10.
29. Matth. XXVI, 64.
30. Ibid. XXV, 46.
31. I Cor. XV, 24-28.
32. Matth. VI, 9.
33. I Cor. VIII, 31.
34. Luc. XVII, 16-3o.
35. Apoc. XI, 10.
36. Ibid. XIX, 5-7.
37. Ibid. VI, 11.
38. Ibid, XXII, 17.

2 commentaires concernant l'article “Dernier dimanche après la Pentecôte (textes et commentaires)”

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