Christophe Brusset : « La plupart des produits qui se révèlent toxiques ou frauduleux sont chinois »

Cadre supérieur dans l’agroalimentaire pendant vingt ans, Christophe Brusset dénonce les pratiques les plus courantes de l’industrie agroalimentaire dans « Vous êtes fous d’avaler ça ! ».
Dans l’entretien donné sur Europe 1 il donne quelques clés pour consommer mieux.

 

 

Entretien donné au magazine Elle :

Elle. Quels aliments n’avaleriez-vous pas même sous la torture ?
Christophe Brusset. Un steak haché de supermarché ! Peut-être qu’on y trouvera du bœuf ou bien du cheval, mais sûrement du gras, des raclures d’os (pudiquement appelées « viandes séparées mécaniquement »), du cartilage, des tissus conjonctifs, des matières fécales et d’autres non identifiables. Ou bien du jambon premier prix à l’eau et aux additifs, ou des préparations fromagères pareillement artificielles.

Elle. Tous les plats industriels sont-ils toxiques ?
C.B. Non, certains sont fabriqués avec de bons produits et peu d’additifs. Lisez bien la liste des ingrédients, qui doit être courte et claire. Et sachez que les aliments de qualité coûtent plus chers.

Elle. Vous expliquez que des stocks de matières premières à bas prix et de piètre qualité déferlent de Chine… Tout ce qui vient de Chine est-il toxique ?
C.B. Pas forcément… mais la plupart des produits qui se révèlent toxiques ou frauduleux sont chinois. Le nombre extraordinaire de scandales alimentaires en Chine, leur ampleur et leur extrême gravité (comme celui de la mélamine dans le lait pour bébés) doivent nous inciter à la prudence. Pourtant, cette provenance est quasi impossible à repérer, car dissimulée par les distributeurs sous des termes vagues comme « hors U.E. ».

Elle. Qu’est-ce qui vous choque le plus ?
C.B. Je trouve insupportable que la priorité des politiques soit encore de protéger les intérêts des industriels et de la grande distribution avant la santé des consommateurs. Aujourd’hui, chacun veut savoir exactement ce qu’il mange. Notre classe politique est en retard sur ce mouvement de société bien visible depuis l’affaire des lasagnes de cheval. Trop de scandales ont été et sont encore étouffés, les quelques condamnations de fraudeurs pris la main dans le sac sont trop légères et non dissuasives, les lanceurs d’alerte ne sont jamais soutenus, les services de contrôle et de lutte manquent de moyens…

Elle. Mais, bien souvent, on ne comprend rien à ce qui est écrit sur les étiquettes !
C.B. Elles sont compliquées à dessein ! Les mentions obligatoires qui ne sont pas valorisantes sont écrites le plus petit possible, dans un coin, au dos, en orange clair sur fond jaune… Pour faire simple, disons que la liste d’ingrédients est le minimum à regarder – ignorez les illustrations, les couleurs des paquets et les désignations trompeuses, les labels maison. La liste doit être courte, contenir des ingrédients naturels et aux noms facilement compréhensibles. S’il y a trop de « E » quelque chose ou de noms de molécules chimiques, passez votre chemin !

Elle. Les labels de qualité sont-ils bidon ?
C.B. Certains le sont clairement, mais il en existe de très sérieux, comme AB pour la certification bio, Max Havelaar pour le commerce équitable, les labels rouges, ou les appellations d’origine.

Elle. Acheter le produit le plus cher d’une gamme est-il une garantie de qualité ?
C.B. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. Souvent, le coût des ingrédients n’est qu’une fraction du prix du produit, loin derrière les coûts de l’emballage, de la promotion, du transport, des taxes… et des profits. A contrario, on est sûr d’avoir de la mauvaise qualité si on paie trop peu. Un steak haché de qualité à 4 euros le kilo, c’est impossible. La bonne stratégie est donc d’éviter les premiers prix et les produits trop « marketés ». Et, là encore, lire les listes d’ingrédients et favoriser les origines qualitatives et certains labels.

Elle. Faut-il fuir les supermarchés ?
C.B. Moi, j’évite ! Je vais au marché et dans les magasins bio. Pour les fruits et légumes, les viandes et des produits artisanaux comme le miel ou le foie gras, je privilégie les circuits courts. Et j’achète si possible, seul ou groupé avec des amis, directement aux producteurs.

Elle. Manger bio, est-ce la garantie d’échapper à tout ce que vous dénoncez ?

C.B. C’est une étape vers une meilleure qualité. C’est cher, mais cela veut dire moins de traitements phytosanitaires (donc moins de résidus de pesticides), seulement 50 additifs autorisés au lieu de 300, de meilleures pratiques d’élevage, une agriculture plus respectueuse des sols, des saisons… donc des consommateurs.
« Vous êtes fous d’avaler ça ! », de Christophe Brusset (Flammarion). En librairie le 16 septembre.