2e Dimanche après Pâques, dit du « bon pasteur » – textes et commentaire

Nous vous proposons une présentation des textes liturgiques propres à ce dimanche (rite catholique traditionnel), avec leur commentaire.

« Je suis le bon pasteur »

« Après l’épître où saint Pierre rappelle ce qu’il en a coûté au Christ pour nous ramener, brebis errantes, au bercail du salut, l’évangile nous redit la merveilleuse parabole où Jésus lui-même s’est présenté comme le bon pasteur qui connaît chacune de ses brebis, qui donne sa vie pour elles et les arrache au loup ravisseur, acharné à les poursuivre.
Le bercail du Christ, c’est l’Église. C’est au sein de l’Église qu’Il nous prodigue sa vie dans les sacrements, sa parole dans les enseignements qu’elle nous donne, toutes les richesses de sa grâce pour éclairer notre route et soutenir nos pas dans notre marche vers la patrie céleste
[…] »

Dom Guéranger

PRÉSENTATION PUIS TEXTES AVEC COMMENTAIRE DE DOM GUÉRANGER
(dans l’Année liturgiquedisponible ici avec ses autres livres)

« Ce Dimanche est désigné sous l’appellation populaire de Dimanche du bon Pasteur, parce qu’on y lit à la Messe le passage de l’Évangile de saint Jean où notre Seigneur se donne à lui-même ce titre. Un lien mystérieux unit ce texte évangélique au temps où nous sommes ; car c’est en ces jours que le Sauveur des hommes, établissant et consolidant son Église, commença par lui donner le Pasteur qui devait la gouverner jusqu’à la consommation des siècles.

Selon le décret éternel, l’Homme-Dieu, après quelques jours encore, doit cesser d’être visible ici-bas. La terre ne le reverra plus qu’à la fin des temps, lorsqu’il viendra juger les vivants et les morts. Cependant il ne saurait abandonner cette race humaine pour laquelle il s’est offert en sacrifice sur la croix, qu’il a vengée de la mort et de l’enfer en sortant victorieux du tombeau. Il demeurera son Chef dans les deux ; mais sur la terre qu’aurons-nous pour suppléer sa présence ? Nous aurons l’Église. C’est à l’Église qu’il va laisser toute son autorité sur nous ; c’est entre les mains de l’Église qu’il va remettre le dépôt de toutes les vérités qu’il a enseignées ; c’est l’Église qu’il va établir dispensatrice de tous les moyens de salut qu’il a destinés aux hommes.

Cette Église est une vaste société dans laquelle tous les hommes sont appelés à entrer ; société composée de deux sortes de membres, les uns gouvernant et les autres gouvernés, les uns enseignant et les autres enseignés, les uns sanctifiant et les autres sanctifiés. Cette société immortelle est l’Épouse du Fils de Dieu : c’est par elle qu’il produit ses élus. Elle est leur mère unique : hors de son sein le salut ne saurait exister pour personne.

Mais comment cette société subsistera-t-elle ? Comment traversera-t-elle les siècles, et arrivera-t-elle ainsi jusqu’au dernier jour du monde ? Qui lui donnera l’unité et la cohésion ? Quel sera le lien visible entre ses membres, le signe palpable qui la désignera comme la véritable Épouse du Christ, dans le cas où d’autres sociétés prétendraient frauduleusement lui ravir ses légitimes honneurs ? Si Jésus eût dû rester au milieu de nous, nous ne courions aucun risque ; partout où il est, là est aussi la vérité et la vie ; mais « il s’en va », nous dit-il, et nous ne pouvons encore le suivre. Écoutez donc, et apprenez sur quelle base il a établi la légitimité de son unique Épouse.

Durant sa vie mortelle, étant un jour sur le territoire de Césarée de Philippe, ses Apôtres assemblés autour de lui, il les interrogea sur l’idée qu’ils avaient de sa personne. L’un d’eux, Simon, fils de Jean ou Jonas, et frère d’André, prit la parole, et lui dit : « Vous êtes le Christ, Fils du « Dieu vivant ». Jésus reçut avec bonté ce témoignage qu’aucun sentiment humain n’avait suggéré à Simon, mais qui sortait de sa conscience divinement inspirée à ce moment ; et il déclara à cet heureux Apôtre que désormais il n’était plus Simon, mais Pierre. Le Christ avait été désigné par les Prophètes sous le caractère symbolique de la pierre [1]Isai. XXVIII, 16 ; en attribuant aussi solennellement à son disciple ce titre distinctif du Messie, Jésus donnait à entendre que Simon aurait avec lui un rapport que n’auraient pas les autres Apôtres. Mais Jésus continua son discours. Il avait dit à Simon : « Tu es Pierre » ; il ajouta : « et sur cette Pierre je bâtirai mon Église ».

Pesons ces paroles du Fils de Dieu : « Je bâtirai mon Église. » Il a donc un projet : celui de bâtir une Église. Cette Église, ce n’est pas maintenant qu’il la bâtira ; cette œuvre est encore différée ; mais ce que nous savons déjà avec certitude, c’est que cette Église sera bâtie sur Pierre. Pierre en sera le fondement, et quiconque ne posera pas sur Pierre ne fera pas partie de l’Église. Écoutons encore : « Et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre mon Église. » Dans le style des Juifs les portes signifient les puissances ; ainsi l’Église de Jésus sera indestructible, malgré tous les efforts de l’enfer. Pourquoi ? Parce que le fondement que Jésus lui aura donné sera inébranlable. Le Fils de Dieu continue : « Et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. » Dans le langage des Juifs, les clefs signifient le pouvoir de gouvernement, et dans les paraboles de l’Évangile le Royaume de Dieu signifie l’Église qui doit être bâtie par le Christ. En disant à Pierre, qui ne s’appellera plus Simon : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, » Jésus s’exprimait comme s’il lui eût dit : « Je te ferai le Roi de cette Église, dont tu seras en même temps le fondement. » Rien n’est plus évident ; mais ne perdons pas de vue que toutes ces magnifiques promesses regardaient l’avenir [2]Matth. XVI..

Or, cet avenir est devenu le présent. Nous voici arrivés aux dernières heures du séjour de Jésus ici-bas. Le moment est venu où il va remplir sa promesse, et fonder ce Royaume de Dieu, cette Église qu’il devait bâtir sur la terre. Fidèles aux ordres que leur avaient transmis les Anges, les Apôtres se sont rendus en Galilée. Le Seigneur se manifeste à eux sur le bord du lac de Tibériade, et après un repas mystérieux qu’il leur a préparé, pendant qu’ils sont tous attentifs à ses paroles, il interpelle tout à coup son disciple : « Simon, fils de Jean, lui dit-il, m’aimes-tu ? » Remarquons qu’il ne lui donne pas en ce moment le nom de Pierre ; il se replace au moment où il lui dit autrefois : « Simon, fils de Jonas, tu es Pierre ; » il veut que les disciples sentent le lien qui unit la promesse et l’accomplissement. Pierre, avec son empressement accoutumé, répondu l’interrogation de son Maître : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Jésus reprend la parole avec autorité : « Pais mes agneaux, » dit-il au disciple. Puis réitérant la demande, il dit encore : « Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre s’étonne de l’insistance avec laquelle son Maître semble le poursuivre ; toutefois il répond avec la même simplicité : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Après cette réponse, Jésus répète les mêmes paroles d’investiture : « Pais mes agneaux. »

Les disciples écoutaient ce dialogue avec respect ; ils comprenaient que Pierre était encore une fois mis à part, qu’il recevait en ce moment quelque chose qu’ils ne recevraient pas eux-mêmes. Les souvenirs de Césarée de Philippe leur revenaient à l’esprit, et ils se rappelaient les égards particuliers que leur Maître avait toujours eus pour Pierre depuis ce jour. Cependant, tout n’était pas terminé encore. Une troisième fois Jésus interpelle Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » A ce coup l’Apôtre n’y tient plus. Ces trois appels que fait Jésus à son amour ont réveillé en lui le triste souvenir des trois reniements qu’il eut le malheur de prononcer devant la servante de Caïphe. Il sent une allusion à son infidélité encore si récente, et c’est en demandant grâce qu’il répond cette fois avec plus de componction encore que d’assurance : « Seigneur, dit-il, tout vous est connu ; vous savez que je vous aime. » Alors le Seigneur mettant le dernier sceau à l’autorité de Pierre, prononce ces paroles imposantes : « Pais mes brebis » [3]Johan. XXI..

Voilà donc Pierre établi Pasteur par celui-là même qui nous a dit : « Je suis le bon Pasteur. » D’abord le Seigneur a donné à son disciple et par deux fois le soin des agneaux ; ce n’était pas encore l’établir Pasteur ; mais quand il le charge de paître aussi les brebis, le troupeau tout entier est placé sous son autorité. Que l’Église paraisse donc maintenant, qu’elle s’élève, qu’elle s’étende ; Simon fils de Jean en est proclamé le Chef visible. Est-elle un édifice, cette Église ? Il en est la Pierre fondamentale. Est-elle un Royaume ? Il en tient les Clefs, c’est-à-dire le sceptre. Est-elle une bergerie ? Il en est le Pasteur.

Oui, elle sera une bergerie, cette Église que Jésus organise en ce moment, et qui se révélera au jour de la Pentecôte. Le Verbe de Dieu est descendu du ciel « pour réunir en un les enfants de Dieu qui auparavant étaient dispersés » [4]Johann, XI, 52. et le moment approche où il n’y aura plus « qu’une « seule bergerie et un seul Pasteur » [5]Ibid. X, 16.. Nous vous bénissons, nous vous rendons grâces, ô notre divin Pasteur ! C’est par vous qu’elle subsiste et qu’elle traverse les siècles, recueillant et sauvant toutes les âmes qui se confient à elle, cette Église que vous fondez en ces jours. Sa légitimité, sa force, son unité, lui viennent de vous, son Pasteur tout-puissant et tout miséricordieux. Nous vous bénissons aussi et nous vous rendons grâces, ô Jésus, pour la prévoyance avec laquelle vous avez pourvu au maintien de cette légitimité, de cette force, de cette unité, en nous donnant Pierre votre vicaire, Pierre notre Pasteur en vous et par vous, Pierre à qui brebis et agneaux doivent obéissance, Pierre en qui vous demeurez visible, ô notre divin Chef, jusqu’à la consommation des siècles.

Dans l’Église grecque, le deuxième Dimanche après Pâques que nous appelons du Bon Pasteur, est désigné sous le nom de Dimanche des saintes myrophores, ou porte-parfums. On y célèbre particulièrement la piété des saintes femmes qui apportèrent des parfums au Sépulcre pour embaumer le corps du Sauveur. Joseph d’Arimathie a aussi une part dans les cantiques dont se compose l’Office de l’Église grecque durant cette semaine.

L’Église Romaine lit les Actes des Apôtres, à l’Office des Matines, depuis lundi dernier jusqu’au troisième Dimanche après Pâques exclusivement.

A LA MESSE.

L’Introït respire le triomphe. Empruntant les accents de David, il célèbre la miséricorde du Seigneur qui s’est étendue à la terre entière, par la fondation de l’Église. Les cieux, qui signifient les Apôtres dans le langage mystérieux de l’Écriture, ont été affermis par le Verbe de Dieu, le jour où il leur a donné Pierre pour Pasteur et pour fondement.

Introït (Ps. 32, 5-6)
La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur, alléluia ; les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, alléluia, alléluia.
(Ps. ibid., 1.) Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur ; c’est aux hommes droits que sied la louange.

Dans la Collecte, la sainte Église demande pour ses enfants la grâce d’une sainte joie ; car tel est le sentiment qui convient au Temps pascal. Il nous faut nous réjouir d’avoir été sauvés de la mort par le triomphe de notre Sauveur, et nous préparer par les joies pascales à celles de l’éternité.

Collecte
Dieu, qui, par l’humilité de votre Fils, avez relevé le monde abattu : accordez à vos fidèles une allégresse constante, et faites jouir des joies éternelles ceux que vous avez arrachés aux dangers d’une mort sans fin.

ÉPÎTRE.
Lecture de l’Épître du B. Ap. Pierre. (1 Pierre 2, 21-25)
Mes bien-aimés, le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces : lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel ne s’est pas trouvé de fraude ; lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, et, maltraité, ne faisait point de menaces, mais se livrait à celui qui le jugeait injustement ; lui qui a porté lui-même nos péchés dans son corps sur le bois, afin qu’étant morts au péché, nous vivions à la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes ; mais vous êtes retournés maintenant au pasteur et au gardien de vos âmes.

C’est le Prince des Apôtres, le Pasteur visible de l’Église universelle, qui vient de nous faire entendre sa parole. Voyez comment il termine ce passage en reportant nos pensées sur le Pasteur invisible dont il est le Vicaire, et comment il évite avec modestie tout retour sur lui-même. C’est bien là ce Pierre qui, dirigeant Marc son disciple dans la rédaction de son Évangile, n’a pas voulu qu’il y racontât l’investiture que le Christ lui a donnée sur tout le troupeau, mais a exigé qu’il n’omît rien dans son récit du triple reniement chez Caïphe. Avec quelle tendresse l’Apôtre nous parle ici de son Maître, des souffrances qu’il a endurées, de sa patience, de son dévouement jusqu’à la mort à ces pauvres brebis errantes dont il devait composer sa bergerie ! Ces paroles auront un jour leur application dans Pierre lui-même. L’heure viendra où il sera attaché au bois, où il se montrera patient comme son Maître au milieu des outrages et des mauvais traitements. Jésus le lui avait prédit ; car, après lui avoir confié brebis et agneaux, il ajouta que le temps viendrait où Pierre « devenu vieux étendrait ses mains » sur la croix, et que la violence des bourreaux s’exercerait sur sa faiblesse [6]Johan. XXI.. Et ceci arrivera non seulement à la personne de Pierre, mais à un nombre considérable de ses successeurs qui tous ne font qu’un avec lui, et que l’on verra, dans la suite des siècles, si souvent persécutés, exilés, emprisonnés, mis à mort. Suivons, nous aussi, les traces de Jésus, en souffrant de bon cœur pour la justice ; nous le devons à Celui qui, étant de toute éternité l’égal de Dieu le Père dans la gloire, a daigné descendre sur la terre pour être « le Pasteur et l’Évêque de nos âmes ».

Le premier Verset alléluiatique rappelle le repas d’Emmaüs ; dans peu d’instants nous aussi nous connaîtrons Jésus à la fraction du Pain de vie.

Allelúia, allelúia. V/. Les disciples reconnurent le Seigneur, Jésus à la fraction du pain. (Luc. 24, 35.)
Allelúia. V/. Je suis le bon pasteur et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. Alléluia. (Jean 10, 14)

Le second proclame par les propres paroles du Sauveur la dignité et les qualités du Pasteur, son amour pour ses brebis, et l’empressement de celles-ci à le reconnaître pour leur chef.

ÉVANGILE.

Suite du Saint Évangile selon saint Jean. (10, 11-16)
En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens : Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, et abandonne les brebis, et s’enfuit ; et le loup ravit et disperse les brebis. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis. Je suis le bon pasteur, et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là aussi, il faut que je les amène, et elles écouteront ma voix, et il n’y aura qu’une seule bergerie et qu’un seul pasteur.

Divin Pasteur de nos âmes, qu’il est grand votre amour pour vos heureuses brebis ! Vous allez jusqu’à donner votre vie pour qu’elles soient sauvées. La fureur des loups ne vous fait pas fuir ; vous vous donnez en proie, afin de détourner d’elles la dent meurtrière qui voudrait les dévorer. Vous êtes mort en notre place, parce que vous étiez notre Pasteur. Nous ne nous étonnons plus que vous ayez exigé de Pierre plus d’amour que vous n’en attendiez de ses frères : vous vouliez l’établir leur Pasteur et le nôtre. Pierre a pu répondre avec assurance qu’il vous aimait, et vous lui avez conféré votre propre titre avec la réalité de vos fonctions, afin qu’il vous suppléât quand vous auriez disparu à nos regards. Soyez béni, divin Pasteur ; car vous avez songé aux besoins de votre bergerie qui ne pouvait se conserver Une, si elle eût eu plusieurs Pasteurs sans un Pasteur suprême. Pour nous conformer à vos ordres, nous nous inclinons avec amour et soumission devant Pierre, nous baisons avec respect ses pieds sacrés ; car c’est par lui que nous nous rattachons à vous, c’est par lui que nous sommes vos brebis. Conservez-nous, ô Jésus, dans la bergerie de Pierre qui est la vôtre. Éloignez de nous le mercenaire qui voudrait usurper la place et les droits du Pasteur. Intrus dans la bergerie par une profane violence, il affecte les airs de maître ; mais il ne connaît pas les brebis, et les brebis ne le connaissent pas. Attiré, non par le zèle, mais par la cupidité et l’ambition, il fuit à l’approche du danger. Quand on n’est mû que par des intérêts terrestres, on ne sacrifie pas sa vie pour autrui ; le pasteur schismatique s’aime lui-même ; ce n’est pas vos brebis qu’il aime ; pourquoi donnerait-il sa vie pour elles ? Gardez-nous de ce mercenaire, ô Jésus ! Il nous séparerait de vous, en nous séparant de Pierre que vous avez établi votre Vicaire. Nous n’en voulons pas connaître d’autre. Anathème à quiconque voudrait nous commander en votre nom, et ne serait pas envoyé de Pierre ! Faux pasteur, il ne poserait pas sur la pierre du fondement, il n’aurait pas les clefs du Royaume des cieux ; il ne pourrait que nous perdre. Accordez-nous, ô bon Pasteur, de demeurer toujours avec vous et avec Pierre dont vous êtes le fondement, comme il est le nôtre, et nous pourrons défier toutes les tempêtes. Vous l’avez dit, Seigneur : « L’homme sage a bâti sa maison sur le rocher ; les pluies ont fondu sur elle, les fleuves se sont déchaînés, les vents ont soufflé, toutes ces forces se sont ruées sur la maison, et elle n’est pas tombée, parce qu’elle était fondée sur la Pierre » [7]Matth. VII, 24, 25..

L’Offertoire est une aspiration vers Dieu empruntée au Roi-Prophète.

Offertoire :
O Dieu, mon Dieu, je veille aspirant à vous dès l’aurore et je lève mes mains en votre nom, alléluia.

Dans la Secrète, l’Église demande que la divine énergie du Mystère qui va se consommer sur l’autel produise en nous les effets auxquels nos âmes aspirent : mourir au péché et ressusciter à la grâce.

Secrète :
Que cette oblation sacrée attire toujours sur nous, Seigneur, votre bénédiction salutaire ; en sorte que ce qu’elle opère en ce mystère, elle l’achève par sa vertu.

Les paroles de l’Antienne de la Communion rappellent encore le bon Pasteur. C’est le mystère qui domine toute cette journée. Rendons un dernier hommage au Fils de Dieu qui daigne se montrer à nous sous des traits si touchants, et soyons toujours pour lui de fidèles brebis.

Communion :
Je suis le bon pasteur, alléluia ; et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, alléluia, alléluia.

Au divin banquet, Jésus bon Pasteur vient d’être donné en nourriture à ses brebis ; la sainte Église, dans la Postcommunion, demande pour nous que nous soyons toujours plus pénétrés d’amour pour cet auguste sacrement, dans lequel nous devons mettre notre gloire ; car il est pour nous l’aliment d’immortalité.

Postcommunion :
Accordez-nous, s’il vous plaît, ô Dieu tout-puissant, qu’obtenant de vous la grâce d’une nouvelle vie, nous nous glorifiions toujours de ce bienfait que nous vous devons.

Terminons cette journée par le grand souvenir de la Résurrection, en empruntant cette belle Préface au Missel Mozarabe.

ILLATIO. Feria VI Paschœ.
Dignum et justum est, sanctum et salutare est, nos te gloriosissime Pater Domini nostri Jesu Christi, inenarrabilibus triumphis attollere, completisque erga nos promissorum suorum beneficiis, in quantum se mens parvulorum, te inspirante, repleri senserit, propensius conlaudare. Ut cui plus dimissum est amplius diligat, et potiora jam fœdera accumulet qui tanta necdum credenti donavit. Postquam igitur Verbum caro factum est et habitavit in nobis, fecitque prius cuncta quæ docuit, perfectum divinis operibus virum necessariæ nobis sibique voluntariæ tradidit passioni. Ut quemadmodum mundo huic prædicationis suæ claritate effulserat, ne errorum interitus tenebris fluctuaret, ita etiam infernali carcere mancipatis sua resolvendis descensione succurreret. Neque regnum usque in finem sæculi dilataret. Et spolia quæ quondam prædo attraxerat fraudulentus, ad cœlos secum reveheret innocens crucifixus. Et liberaret virtute justitiæ quos humilitatis suæ redemerat passione. Emisso itaque spiritu, et paternis, ut scriptum est, manibus commendato, hospitium divinitatis immensæ quem virginea conceperant atque ediderant viscera, virgo interim sepultura suscepit. Sed mansit illic nihilominus incorruptus, quia non fuerat ex Adam nati seminis corruptione conceptus. Judæis quoque petentibus, custodes monumento deputantur a Præside, quorum testimonio et fides firmaretur credentium, et confunderetur impietas perfidorum. Quid enim illi obesse potuit humana custodia, cui et dum requiesceret cœleste vigilavit excubium, et cum resurgeret Deus inerat Verbum ? Quod immaculatæ animæ inseparabiliter copulatum adiit, exterruit, subjecit, et domuit, et vinxit cunctas hujus æris in lacu novissimo potestates. Illic mors hebetata contremuit, seseque peremtam acrius quam stimulaverat sensit. Quæque se humani generis dominam lætitabat, ancillam mox crucis affectam Christo triumphante lugebat. Fracta est confestim virtus sæva carnificum, et ad nihilum redacta est exhausta grassatio cruentorum. Inclinata est harum tenebrarum Christi humilitate superbia, et diabolica malitia divini Agni est simplicitate restincta. Amisit e manibus subito quod se crudelissimus hostis credebat perpetim possessurum, cernens humanum genus per hominem Deum paradiso, unde prævaricatione Adæ eliminatum fuerat, restitutum. Il est digne et juste, saint et salutaire, ô glorieux Père de notre Seigneur Jésus-Christ, que nous célébrions votre Nom par les plus triomphantes acclamations, et qu’après avoir vu s’accomplir ce qu’il avait promis, nous fassions entendre ses louanges avec tout l’enthousiasme que vous inspirerez à nos âmes, nous qui ne sommes que des enfants. Celui auquel il a été remis davantage doit aimer davantage aussi ; celui qui, ne croyant pas encore, a reçu des dons si précieux, doit d’autant plus reconnaître le lien que son bienfaiteur a formé avec lui. Le Verbe d’abord se fit chair, et il habita parmi nous ; ses œuvres furent conformes à ses enseignements ; plus tard, lui, l’homme parfait dans ses divines opérations, a daigné embrasser la souffrance nécessaire pour nous, volontaire de sa part. Il avait éclairé le monde des rayons de son enseignement, afin de l’arracher aux ténèbres de l’erreur dans lesquelles il flottait : de même il voulut descendre jusque dans les régions souterraines pour briser les chaînes de ceux qui y gémissaient captifs. Mais il n’a pas attendu la fin des siècles pour proclamer sa royauté. Cette proie que le perfide ennemi s’était acquise par la tromperie, lui, l’innocent crucifié, voulait la faire entrer avec lui dans les cieux, et délivrer, dans sa justice, ceux qu’il avait rachetés par ses humiliations et ses souffrances. Il rendit l’esprit, le remettant aux mains de son Père, ainsi qu’il est écrit ; et un tombeau vierge reçut l’hôte immense et divin que le sein de la Vierge avait conçu et enfanté. Il y demeura sans corruption, de même qu’il avait été conçu de la race d’Adam, sans en contracter la souillure. Sur la demande des Juifs, le gouverneur place des gardes au tombeau ; et le témoignage de ces gardes sert d’appui à la foi des croyants, en même temps qu’il confond l’impiété des perfides. Quel obstacle pouvait lui susciter la surveillance des hommes, à lui autour duquel, durant son repos, veillaient les Esprits célestes ? À lui, qui est ressuscité parce qu’il était le Verbe de Dieu ? Il n’avait point rompu le lien qui l’unissait indissolublement à son âme très pure : lorsqu’il vint la réunir à son corps, il épouvanta les puissances de l’air ; il les soumit, les dompta et les enchaîna dans le gouffre le plus profond. Ce fut alors que, sentant son glaive émoussé, la mort trembla, et qu’elle se vit atteinte plus avant que son aiguillon n’avait porté sur sa victime. Elle se proclamait fièrement maîtresse du genre humain ; maintenant, elle pleure d’être devenue l’esclave de la croix du Christ triomphant. La cruauté des bourreaux envers le Rédempteur a été réduite au néant : tous leurs tourments sont vains. L’orgueil des esprits de ténèbres a été abaissé par l’humilité du Christ ; et la malice du diable a succombé devant la simplicité de l’Agneau. Le cruel ennemi s’est vu tout à coup arracher des mains ce qu’il croyait posséder à jamais ! Sous ses veux, le genre humain a été rétabli par l’Homme-Dieu dans le Paradis, d’où il avait été expulsé par le crime d’Adam.

»

Notes   [ + ]

1. Isai. XXVIII, 16
2. Matth. XVI.
3, 6. Johan. XXI.
4. Johann, XI, 52.
5. Ibid. X, 16.
7. Matth. VII, 24, 25.